Nos forces ? Existent-elles seulement ! A Paris, dans les milieux informés, on affirme depuis belle lurette que nous avons disparu du paysage politique. Reste une feuille de chou… C’est vrai, si l’on estime que les idées et les projets comptent pour rien dans un milieu politico-médiatique où le poids est fonction de l’image, du bavardage moderniste, du capital électoral, du matelas financier.
Ce jugement sans appel devrait nous désespérer. Nous poursuivons cependant notre tâche. Obstination maladive ? L’hypothèse n’est pas à exclure mais en attendant un diagnostic fondé nous nous en tenons à deux motifs. Le premier tient à l’existence de lecteurs d’une extraordinaire fidélité : ils font vivre notre journal, qui entre dans sa quarantième année, et souhaitent que notre aventure continue. Le second tient au fait que notre journal et notre mouvement réunissent maintenant des royalistes et un nombre significatif de sympathisants qui n’appartiennent pas à notre famille politique.
Cette réunion de plusieurs traditions tient à une réalité peu banale : une organisation militante nettement définie par son projet et ses conditions d’adhésion abrite une société de pensée ouverte à tous les courants républicains et démocratiques. Cela tient à un choix délibéré : depuis notre fondation, la plupart des invités de notre journal et de nos réunions ne sont pas royalistes. Sur de nombreux points, ces amis ont apporté des contributions décisives à nos propres analyses et à notre projet – si bien qu’un accord implicite s’est peu à peu réalisé sur un programme d’urgence pour l’économie nationale, pour la société française, pour l’Union européenne… Ce programme est d’autant plus solide qu’il se fonde sur les principes de la Révolution de 1789 et sur le programme du Conseil national de la Résistance, sur la Déclaration des droits et sur les préambules constitutionnels. C’est sur ce socle commun que peuvent se retrouver les gaullistes, les communistes, les socialistes patriotes et les royalistes – le débat sur les institutions demeurant ouvert.
Nous sommes devenus un des lieux où s’élabore une nouvelle politique et nous sommes heureux de constater que les groupes de réflexion, les sites et les blogs qui pensent et agissent dans la même perspective sont de plus en plus nombreux. Cet « intellectuel collectif » n’a pas de nom et forme un réseau sans chef. Nous le concevons quant à nous comme une renaissance du « parti des politiques » mais il est peut-être plus simple d’y voir la matrice d’un parti des patriotes qui a failli se constituer en 2002 et qui est en attente de l’agent fédérateur qui le constituera en formation politique capable d’accéder au pouvoir.
Nous en sommes là : des idées à foison, un programme cohérent, des citoyens capables de prendre la direction des affaires, une immense attente dans le peuple français : beaucoup d’électeurs de Nicolas Sarkozy s’aperçoivent qu’ils ont été floués par les accents vaguement gaulliens de son discours, beaucoup d’électeurs de gauche sont accablés par le comportement des socialistes et ne comprennent pas comment les deux principaux syndicats français en sont venus à cogérer le système ultralibéral.
La puissance du mouvement social est considérable. Mais, à court terme, il n’y a pas de possibilité de passage à l’acte politique. Le Parti socialiste continue de vivre dans la haine de la pensée, les luttes de personnes et de clans, les calculs cyniques. La « gauche de la gauche » ne sortira pas de ses nostalgies et de son sectarisme.
En face, la fraction droitière de l’oligarchie mène contre le salariat une guerre de classes impitoyable. Ce schéma simplifié n’est pas faux mais il se complique d’une stratégie médiatique redoutable (1) qui est actuellement mise au service d’une propagande haineuse visant à créer un affrontement entre « bons Français » et « musulmans » (2). Le rapport de forces n’est pas en notre faveur mais la dialectique du faible et du fort se conclut souvent de surprenante façon.
***
Editorial du numéro 961 de « Royaliste » – 10 janvier 2010
0 commentaires