Recomposition : La logique des blocs

Juin 20, 2017 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

Il y a débat sur la nature du bloc social et idéologique qui a été constitué par Emmanuel Macron. Bloc bourgeois ? Bloc élitaire ? Il nous semble pertinent de désigner un bloc oligarchique.

Pour la plupart des Français, le clivage entre une droite et une gauche est une donnée quasi-naturelle de la vie politique. Depuis le début du siècle, la distinction s’est progressivement estompée, au fur et à mesure que les grands partis de gauche et de droite s’alignaient sur l’idéologie ultralibérale. Ce faisant, la base sociale de la gauche – les ouvriers et les employés – s’est progressivement rétrécie et a disparu entre 2012 et 2017 tandis que la base sociale de la droite classique continuait d’apporter un soutien résolu à l’ultralibéralisme. L’opposition de deux fractions de l’oligarchie – « socialiste » et chiraco-sarkozyste – avait effectivement reflété des antagonismes sociaux majeurs jusqu’au décrochage hollandiste.

Ce résumé très schématique permet de comprendre le phénomène Macron comme projet électoralement réussi de fusion entre la droite et la gauche oligarchiques dans La République En Marche. Un bloc s’est constitué, qu’il s’agit de définir. L’économiste Bruno Amable évoque un bloc bourgeois composé de groupes sociaux diplômés et aisés appartenant à la fonction publique et au monde de l’entreprise qui se retrouvent autour d’Edouard Philippe (rallié de droite), de François Bayrou (centriste) et de Gérard Collomb (rallié « socialiste ») sous l’égide du président Macron qui fit pour la gauche la politique ultralibérale de la droite.

Le politologue Jérôme Sainte-Marie estime quant à lui que la notion de « bloc bourgeois » a l’inconvénient d’« assimiler des millions de Français qui le soutiennent à une condition sociale qui n’est pas la leur » (Le Figaro du 16 juin) et préfère désigner un bloc élitaire composé des élites, des candidats à l’élite et de ceux qui estiment nécessaire d’obéir aux élites. Jérôme Sainte-Marie reconnaît qu’il mélange l’objectivité et la subjectivité. Il nous paraît préférable d’évoquer la constitution d’un bloc oligarchique réunissant l’élite du pouvoir, des affaires et des médias qui forme une classe mobilisée pour la défense et l’élargissement de ses privilèges.

En face, point de « bloc populaire » mais des électorats très fracturés (Front national, France insoumise, vote blanc, abstention…) qui ont formé au premier tour des législatives un « archipel du refus » selon l’image employée par Jérôme Sainte-Marie puisque 66% des ouvriers, 61% des employés et 64% des jeunes se sont abstenus. Dans la guerre de classes, le bloc oligarchique minoritaire mais cohérent est nécessairement vainqueur contre ses ennemis majoritaires mais dispersés.

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Article publié dans le numéro 1125 de « Royaliste » – 20 juin 2017

 

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