Roués sans roi

Juil 2, 2004 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

 

L’été est propice aux révisions. Celle de nos catégories politiques s’impose. En résumé, nous  sommes passés de la démocratie à l’oligarchie, ou plutôt à la forme dégradée du gouvernement de quelques-uns : la molle « gouvernance » assortie de normalisations violentes.

La monarchie élective instituée par la Constitution gaullienne subsiste mais elle est soumise à au processus de destruction enclenché par le quinquennat. Les dirigeants de droite et de gauche s’ingénient à subvertir chaque jour un peu plus la 5ème République, sans s’apercevoir qu’ils continuent à cultiver ce que la monarchie présidentielle a produit de pire : les héritiers du président en fonction, faux dauphins et véritables traîtres, tous occupés de vengeances, de meurtres et d’assassinats politiques.

Nous savons que le général de Gaulle avait tenté d’empêcher cette tragi-comédie. Le fondateur de la 5ème République n’avait pas d’héritier mais un successeur possible en la personne du défunt comte de Paris qui, pour divers motifs, ne s’est pas présenté devant le suffrage universel.

Cet échec dans la transmission a déclenché le cycle des guerres de succession. La mort prématurée de Georges Pompidou provoqua la première trahison avérée de Jacques Chirac et une rivalité meurtrière entre « cousins » se terminant par l’élimination de Jacques Chaban-Delmas suite aux coups bas du clan giscardien. Puis Jacques Chirac et ses hommes de main contribuèrent activement à l’éviction de Valéry Giscard d’Estaing.

Depuis 1981, François Mitterrand et l’actuel président ont tenté de désigner une sorte de dauphin (Laurent Fabius pour l’un, Alain Juppé pour l’autre) qui fut dans les deux cas judiciairement empêché – tandis que des faux frères tentaient de récupérer l’héritage. François Mitterrand parvint in extremis à liquider Michel Rocard, et une lutte à mort est maintenant engagée entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

L’issue de la bataille nous importe moins que les dégâts qu’elle provoque : des ministères sont transformés en citadelles (aujourd’hui c’est Bercy), les responsables politiques perdent leur temps et gaspillent leur énergie dans les combats tactiques, la politique en tant que telle se consume dans les démonstrations d’efficacité gestionnaire.

Conclusion ? Il ne suffit pas d’être monarchiste. L’unité de la décision est la meilleure des choses quant elle est assumée par le général de Gaulle, la pire quand c’est une girouette plombée par le Medef qui prend la place de l’arbitre. C’est l’une des raisons qui nous incite à souhaiter une monarchie royale. Aux conflits entre les rivaux, la royauté n’oppose pas l’hérédité comme on le répète trop souvent, mais une règle de succession qui inscrit dans le droit les principes d’arbitrage souverain et de continuité de l’Etat. C’est ainsi que le pouvoir politique peut s’incarner dans la temporalité historique comme on le voit dans maints pays.

Mais il ne suffit pas d’être royaliste.

«Etre pour la royauté », cela fait partie des bonnes intentions dont l’enfer est pavé. S’ouvre toute grande la voie du mysticisme royaliste, religion niaise du roi déifié qui se dégrade d’ordinaire en mystifications éhontées – et parfois en manipulations électorales.

« Etre pour la royauté », quand il existe une dynastie royale précisément nommée et située dans l’histoire nationale, c’est rendre abstraite une royauté d’ores et déjà incarnée. Cette opération, véritable déni de légitimité, est très dangereuse pour les royalistes : l’un peut se prendre pour le roi, l’autre se faire prince de son idéologie royalisante (1). A ces deux formes de folie douce s’ajoute maintenant le non-choix ridicule qui consiste à placer les royalistes dans la position de parieurs attendant les résultats d’une loterie dynastique…

La fidélité des royalistes à la Maison de France évite ces postures et ces impostures. C’est une fidélité difficile, parfois douloureuse, lourde de drames, de colères, de remontrances… Mais qu’on le sache : au confort des allégories fleurdelysées nous préférons, dans l’espérance, les joies et les déceptions de la vie même.

 

***

  • A propos de personnalisation, il est utile de rappeler que la Nouvelle Action royaliste n’a pas de président, mais une direction collégiale. Je ne suis que le porte-parole habituel, et non pas statutaire, de notre organisation.

 

Editorial du numéro 842 de « Royaliste » – 2 juillet 2004

 

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