Savoir ce que l’on veut

Oct 1, 2001 | Chemins et distances

 

Nous disons non. Nous appelons à dire non au chantage du président américain.

Non au manichéisme imbécile. On n’est pas dans l’invraisemblable « camp du Bien » quand on s’inscrit dans la stratégie qui consiste à bombarder des pays pauvres et des peuples opprimés – le Panama en 1989, l’Irak en 1991, la Yougoslavie en 1999.

Non à la fausse alternative (« qui n’est pas avec nous est contre nous ») qui consiste à faire des opposants à George W. Bush des agents de l’hyperterrorisme. On peut s’opposer, par l’action diplomatique, par la mobilisation militante, à la volonté hégémonique des Etats-Unis sans cesser d’aimer le peuple américain et en se déclarant solidaire de celles et ceux qui, Outre-Atlantique, manifestent contre la guerre.

Non au slogan démentiel de la « justice sans limites ». La justice sans mesure porte à l’injustice, faute de tenir la liberté pour principe et la paix pour finalité.

Non à la thématique absurde et criminogène du « choc des civilisations » qui séduit les esprits incultes de certains oligarques français, et qui porte en elle le racisme et la guerre civile.

Il ne suffit pas de déclarer son hostilité à l’idéologie américaine et à cette « guerre de l’Amérique » proclamée sur les écrans de CNN. Ni de condamner les attentats du 11 septembre. Face à l’hyperterrorisme, des choix doivent être faits. Ils portent sur les méthodes de la dissuasion policière, dans le souci d’éviter la militarisation de la société. Ils impliquent des décisions d’ordre politique, qui doivent être prises par chaque Etat souverain – ce qui n’exclut pas les concertations et les actions communes.

Nous disons, quant à nous, qu’il faut savoir ce que l’on veut. La solidarité avec les Etats-Unis est au pire une complaisance, au mieux une posture d’attente, lourde d’arrière-pensées. Ce n’est pas George W. Bush qui protégera les Français si l’action diplomatique de la France nous expose à des représailles terroristes.

Nous attendons de l’Etat qu’il se prépare et nous prépare à faire face à toutes les formes de menace : attentats, déstabilisation financière et monétaire, sabotage industriel, désorganisation économique. Or les mesures actuellement prises ou envisagées sont dérisoires par rapport aux effets catastrophiques des agressions dont nous pouvons être l’objet. On déclare la guerre au terrorisme, mais on se satisfait d’un mandat d’arrêt européen (qui suppose un crime déjà commis) et d’un renforcement formel de la lutte contre la délinquance financière. Dangereuses inconséquences !

Pour opposer une parade efficace aux attaques qui visent des civils et des activités civiles, c’est l’ensemble des prescriptions ultra-libérales qu’il faut récuser.

Les terroristes placent leur argent dans les paradis fiscaux ? Alors qu’on les supprime.

Des spéculateurs cyniques jouent à la baisse et aggravent la panique boursière ? Alors il faut interdire les procédés qu’on dénonce et, surtout, mettre fin à la libre circulation des mouvements de capitaux.

Des employés recrutés à la va-vite et mal payés se font les complices de terroristes ? Alors il faut cesser de louer des esclaves aux modernes négriers, payer chaque employé au regard de la sécurité qu’il assure dans les transports collectifs et dans les entreprises sensibles et confier la sécurité publique à la seule police nationale.

Des industriels ferment des usines et licencient massivement parce qu’on annonce une récession qu’ils vont créer ou aggraver par leur propre panique ? Un krach boursier met en péril des entreprises et des groupes dans des secteurs-clés, alors que leurs capacités productives sont intactes ? Des activités indispensables risquent de passer sous le contrôle de puissances hostiles à notre politique ? Alors il faut préserver les monopoles d’Etat, renforcer les entreprises publiques subsistantes et procéder aux nationalisations nécessaires dans tous les secteurs clés : établissements financiers, eau, gaz, électricité, transports ferroviaires et aériens, industries aéronautiques, production d’armements. Cela coûterait cher ? La vie n’a pas de prix. Cela contrarierait des dogmes et des intérêts puissants ? Il faut savoir ce que l’on veut : attirer, par lâcheté, la foudre que l’on redoute, ou se donner les moyens de la résistance civile aux agressions dont nous sommes menacés.

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Editorial du numéro 778 de « Royaliste » – 1er octobre 2001

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