Un Parti socialiste qui ne sait plus ce qu’il est ni ce qu’il veut. Une femme qui veut être élue pour elle-même et par l’image qu’elle donne d’elle-même, loin du socialisme et des socialistes. Au bout d’une campagne pagailleuse, une défaite qui n’aurait jamais dû avoir lieu.

Toutes deux journalistes au Monde, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin ont fait œuvre utile. La lecture de leur livre (1) efface l’impression première d’une chronique indiscrète de la vie privée de Ségolène et François. L’enquête est politique et ce n’est pas la faute des deux auteurs si la politique, telle qu’elle se fabrique aujourd’hui dans les états-majors socialistes, se réduit la plupart du temps à des conflits de personnes et de clans sous le regard des médias et dans l’obsession des sondages.

Des multiples aspects d’un échec cinglant, il est possible de tirer quelques enseignements :

– La vie privée des dirigeants ne ferait pas la joie des dîners en ville avant de se retrouver dans des ouvrages de grande diffusion si les politiques cessaient de prendre les journalistes pour confidents et si les conseillers ne cherchaient pas à se valoriser par des anecdotes croustillantes et des mots d’esprits. La mise en scène de la vie privée se retourne toujours contre les acteurs de ce jeu de rôles. Nicolas et Cécilia en ont fait l’expérience, comme Ségolène et François.

– Toute campagne qui est menée par deux états-majors rivaux est vouée à l’échec : Ségolène Royal a monté sa propre organisation hors du Parti socialiste et la campagne a été menée par une équipe qui n’a jamais voulu se coordonner avec le siège du parti. Pire : Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin donnent d’innombrables exemples du mépris de la candidate pour les principaux dirigeants socialistes. Certes, une tactique de pleine indépendante était concevable mais il aurait fallu qu’elle soit mise en œuvre par une équipe de militants politiques. Or les conseillers de Ségolène Royal formaient un groupe baroque et pagailleux dans lesquels on trouvait des hommes d’expérience comme Jean-Louis Bianco et François Rebsamen, le fils de la candidate et ses copains, des publicitaires étrangers à la politique, des passionnés d’Internet et la sympathique Sophie Bouchet-Petersen qui a conservé de son trotskisme originel un activisme tourbillonnant. Les bonnes idées jaillies de ce groupe baroque (le site Désirs d’avenir) se sont perdues dans l’improvisation permanente aggravée par les caprices et les phobies de la candidate.

– Surtout, on ne gagne pas une campagne politique sans un projet d’intérêt général clairement énoncé et constamment réaffirmé. Le « pacte présidentiel » invoqué par la candidate a été perdu de vue tant il y eut de propositions improvisées puis abandonnées au vu des sondages d’opinion. Le véritable projet de Ségolène Royal, c’était Ségolène Royal ou plus exactement l’image contrôlée dans les moindres détails que la candidate voulait donner d’elle-même. D’où des mensonges misérables et d’indécentes pressions sur la presse qui juraient fortement avec la mystique de bazar d’une dame qui se dit « habitée », tutoie Jeanne d’Arc et tient des propos d’un lyrisme échevelé (« libérer les libertés ! »).

A ces altitudes, la candidate, fort ignorante en bien des domaines, n’éprouve pas le besoin de travailler. Les discours et petites phrases sont sous-traités à Jean-Pierre Chevènement et à Bernard-Henri Lévy, deux personnalités parfaitement antinomiques. Mépris des personnes, mépris des idées, peur de la foule, phobie du contact physique. Si certains sont fascinés par l’icône, beaucoup d’autres s’éloignent.

– Il est enfin dangereux, lorsqu’on sent venir la défaite, de déconcerter les militants et les sympathisants par un changement de stratégie (l’alliance avec les centristes) annoncé sans aucune concertation préalable – ce qui est le comble lorsqu’on prétend instaurer la « démocratie participative ».

Face à ce désordre, la troupe sarkozienne qui avance avec son chef et ses mots d’ordre, sans cesse martelés…

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(1) Raphaëlle Bacqué, Ariane Chemin, La Femme fatale, Albin Michel, 2007.

Article publié dans le numéro 906 de « Royaliste » – 11 juin 2007

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