Sociologie des imams en France

Mai 13, 2013 | Non classé

 

Croyants ou non, les Français regardent les religions comme des institutions et privilégient celles du catholicisme pour d’évidentes raisons historiques. Or l’islam sunnite n’entre pas dans les schémas habituels.

Le méconnu est regardé sous l’angle du connu. Dans une nation de tradition catholique, il est normal de considérer que l’imam est l’équivalent du curé. Normal mais erroné. L’Umma, la communauté des croyants, n’est pas inscrite dans le cadre d’institutions rigides établissant des fonctions hiérarchisées. Il y a des docteurs de la loi islamique, les Oulémas, des universités islamiques qui font référence, des muftis qui sont autorisés à interpréter la loi islamique et à publier des fatwas – des avis juridiques -mais les imans ne sont pas les représentants d’une autorité supérieure. Ce sont des croyants qui sont choisis par les musulmans d’une ville ou d’un quartier pour animer leur communauté.

Définition simple qui doit être précisée de multiples manières. Les imams de France peuvent être bénévoles ou salariés par leur communauté religieuse ; ils peuvent exercer sans le moindre document établissant leurs connaissances mais ils sont parfois diplômés ; ils sont de nationalité française ou viennent de l’étranger et dans certains cas ils sont accrédités par leur gouvernement… Dans l’exercice de leurs fonctions, les imams sont des guides spirituels, mais aussi des conseillers familiaux et des médiateurs dans les conflits locaux. Après six années d’enquête, Solenne Jouanneau publie dans son livre (1) maints portraits et dialogues qui dissipent les préjugés courants. Elle nous permet aussi de comprendre comment l’Etat, par-delà tous les discours démagogiques, s’efforce de trouver la juste mesure dans ses relations avec une religion aussi souplement organisée.

Ces relations sont toujours compliquées car la République laïque doit respecter un principe de neutralité. Mais c’est une neutralité bienveillante et active, vigilante également puisque beaucoup d’imans sont étrangers ou viennent de l’étranger. Que les gouvernements soient de gauche ou de droite, il y a une continuité certaine dans la ligne suivie par l’Etat qui, dans les années quatre-vingt, était fort embarrassé par cette religion dépourvue d’institutions représentatives. La création du Conseil français du culte musulman n’a pas réglé touts les problèmes et Solenne Jouanneau montre comment les fonctionnaires chargés des cultes, les préfets, les maires, les diplomates, les Renseignements généraux et maintenant la DCRI conseillent et orientent les divers représentants de l’islam de France dans le respect du principe de laïcité. Le contrôle est souple, mais il existe.

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(1) Solenne Jouanneau, Les imams en France, Agone, 2013.

Article publié dans le numéro 1035 de « Royaliste » – 13 mai 2013

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