Syldavie Dans l’attente du Pélican noir

Jan 10, 2010 | Chemins et distances

Mots clefs : Hergé | Jacques Hiron | Tintin

 

La lecture des indispensables « Carnets de Syldavie » (1) a ravivé, dans la mémoire fervente du colonel Sponz, de bien douloureux souvenirs. Le chef des services secrets royalistes, qui ne désespère pas de la refondation du royaume du Pélican noir par le prince Milan, a décidé de les révéler à nos lecteurs.

Il fallait réunir en soi bien des sciences et des talents pour exprimer avec précision et délicatesse ce qu’il y a de plus authentique dans l’identité syldave. Linguiste (il a découvert les origines de la langue syldave), amateur d’eau minérale (surtout la Klowaswa), féru de physique (il explique comment fut conçu le rayon de la mort syldave), passionné d’aviation et de conquête spatiale (il nous apprend enfin ce qu’est devenue la fusée lunaire syldave), historien des Balkans (on lui doit la découverte de l’origine syldave du prétendu « croissant viennois »), géopoliticien pointu (la rivalité syldavo-bordure n’a pas de secrets pour lui), économiste averti (son étude sur la compétitivité de la Syldair fait autorité et a été saluée par Jacques Sapir comme « une contribution décisive à la critique de la Main invisible »), touriste éclairé (il fut un des Délicieux Membres du Club NED de Rakostane), maître-gastronome (il donne la recette du szlaszeck aux champignons), généalogiste de génie (il établit que le roi Muskar XII de Syldavie et Hergé avait le même grand-père : Nicolas de Monténégro), critique musical émérite (ses évocations de la « voix chaude et sensuelle » d’Ella Dhanlosz ont lancé la chanteuse syldave), Jacques Hiron est aussi un excellent écrivain. Son récit de l’agression allemande de 1941 et du départ en exil de Muskar XII m’a tiré des larmes et le retour du roi-soldat à la tête des combattants syldaves est à inscrire dans les plus beaux chapitres de l’histoire des résistances européennes à l’Allemagne nazie.

C’est avec un très grand respect que je voudrais cependant reprendre les lignes que Jacques Hiron consacre à la  chute de la monarchie syldave : en juin 1968, « de graves désordres civils fomentés par le ZZRK (Zyldav Zentral Revolutzionär Komitzät), réactivé en sous-main par les Bordures, entraînèrent une sévère réaction policière : ce fut le début d’une escalade qui ne fut stoppée que par l’annonce de l’abdication de Muskar XII. Le Royaume du Pélican Noir avait vécu ».Typique de l’analyse hironiste qui a désormais sa place dans l’historiographie contemporaine, ce texte laisse dans l’ombre plusieurs faits significatifs :

La réalité de la présence de Bernard-Henri Lévy à Klow pendant les journées enfiévrées du printemps 1968. Dans le reportage qu’il avait publié dans « Le Monde des Balkans », le jeune Bernard affirmait qu’il se trouvait en Bordurie, « précisément sur le mont Zstopnohle, en compagnie de Roman Polanski » alors que cette montagne est sise en Syldavie. De plus, le futur essayiste prétendait avoir débarqué à Tesznik, ville située au milieu des terres, alors que c’est Dbrnouk, le grand port syldave !

Le rôle joué par André Glucksmann dans le renversement de la monarchie. Je peux aujourd’hui révéler que ce mao fanatique était suivi par mon équipe depuis son départ de Paris et que je l’ai moi-même « logé » à Klow, dans sa planque de la rue Klazdroje, sonorisée par les soins de mes collègues du contre-espionnage syldave. C’est là que le futur hiérarque de la Gauche prolétarienne a rencontré un des chefs du ZZRK – sans savoir que c’était un agent des services bordures. Après s’être moqué des motions révolutionnaires, « aussi inertes qu’un ours syldave hibernant au fin fond des Zmyhlpathes » (Lénine, Œuvres complètes, t. XXXVI, p. 452), l’agitateur français incita le militant syldave à « remettre en cause toute l’organisation de la production des richesses » et à soutenir la « révolte du producteur ». Ce qui fut fait.

L’emprise secrète exercée sur le démagogue Khardhannhikê, chef du parti ZIP (Zyldav Idealski Partizum) qui prit le pouvoir en décembre 1968, par les extrémistes du SARKO-ZIP animé par d’anciens militants fascistes hongrois des Croix-Fléchées. Mais ceci est une autre histoire, qu’il est encore dangereux de dévoiler.

Colonel SPONZ

(1) Jacques Hiron, Carnets de Syldavie, Mosquito, 2009. Préface du prince Milan, fils aîné du roi Muskar XII.

Article publié dans le numéro 961 de « Royaliste » – 10 janvier 2010.

 

 

 

 

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