Les dix-huit pays qui ont ratifié le « traité constitutionnel » se sont réunis à Madrid le 26 janvier pour travailler « sur la base » du traité rejeté par la France et les Pays-Bas afin de « parvenir à un accord sur un texte qui préserve sa substance et ses équilibres ».

Cette réunion informelle provoque l’agacement. La Commission européenne et divers gouvernements, à Madrid et Luxembourg tout particulièrement, ne veulent pas admettre le refus français et hollandais. Ils s’obstinent depuis juin 2005 à contourner ou à faire sauter l’obstacle du double Non à la prétendue constitution.

Proclamer qu’il faut préserver la « substance » et les « équilibres » du texte relève de la provocation. Dire que le futur traité devra apporter des « réponses efficaces » aux questions posées par l’immigration, la sécurité et le changement climatique relève d’une naïve opération de séduction des opinions publiques. Il n’est pas nécessaire de rédiger un traité international pour mettre en œuvre une politique commune de l’immigration – si tant est que cela soit possible – pour prendre des mesures de police et pour lutter contre le réchauffement de la planète.

L’escapade madrilène des « amis du traité constitutionnel » ne susciterait pas la moindre inquiétude si les dirigeants français avaient entériné dès l’été 2005 le résultat du référendum du 29 mai et proposé, en conséquence, un plan de reconstruction de l’Union européenne. Tel n’est pas le cas.

Les deux fractions de l’oligarchie nient depuis bientôt deux ans la décision du peuple français. A gauche, Ségolène Royal, qui fit campagne pour le Oui, critique la Banque centrale européenne sans remettre en cause le principe de son indépendance. A droite, le déni de réalité s’exprime dans l’interprétation des phobies que l’on prête à ceux qui ont mal voté. Ceux qui, comme nous, ont fait campagne contre le « traité constitutionnel » s’entendent dire qu’ils ont voulu sanctionner le gouvernement, protester contre l’élargissement et marqué leur opposition à la candidature turque… Il paraît même que nous aurions accepté le titre I de la Constitution (Définition et objectifs de l’Union) et simplement critiqué le titre III (Compétences de l’Union)…

Sans négliger l’existence d’un vote nationaliste en France, il est avéré que le rejet du traité s’explique principalement par le rejet de l’idéologie ultralibérale. Celle-ci imprègne l’ensemble du traité, y compris le titre I qui pose le principe fondamental de la « concurrence libre et non faussée ». Non seulement on ne tient pas compte de la volonté exprimée par le peuple souverain, mais on veut effacer des mémoires les raisons de sa décision.

Ce déni de réalité caractérise les propositions formulées par le député Pierre Lequillier – qui n’agit pas à titre personnel puisque ce membre de l’UMP est président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne.

Pierre Lequillier propose à la présidence allemande de l’Union un nouveau « traité institutionnel » qui ne se présente pas comme une Constitution, afin qu’on ne puisse pas penser que l’Union est un Etat. Il est heureux que cette imposture soit enfin reconnue mais le plan de la droite relève de l’illusionnisme : on garde le titre I, on bricole le titre III et on renvoie en annexe la Charte des droits fondamentaux. Marginaliser le fondamental, voilà qui relève de la magie de foire !

Nous publierons si besoin est une critique détaillée de ce nouveau « traité institutionnel » mais il faut avant tout avertir les principaux candidats des risques qu’ils prennent pour eux-mêmes et des dangers qu’ils font courir au pays :

Les vainqueurs de la bataille de 2005 – qui sont aussi les vainqueurs de la bataille de 2006 contre le CPE – ne seront pas représentés dans la campagne présidentielle par un candidat susceptible d’être élu. Leur colère va tourner à la fureur si la candidate de gauche tente de les berner par des formules creuses et si le candidat à droite multiplie les provocations – qu’il s’agisse du nouveau traité européen ou de l’extension du « Contrat nouvelle embauche » à toutes les entreprises.

L’arrogance des oligarques est suicidaire : elle pousse des millions de citoyens à faire, en désespoir de cause, des choix extrêmes.

 

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Editorial du numéro 897 de « Royaliste » – 5 février 2007

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