Tfaufau : Le ciné des Russes

Mar 20, 2018 | Chemins et distances

Mots clefs : cinéma russe | Russie

 

Vous voulez découvrir des regards russes sur les Russes d’aujourd’hui ? Les comédies choisies par un cinéphile anonyme sont savoureuses et délicieusement sarcastiques quant à l’ordre établi.

Tfaufau (1) traduit et sous-titre avec soin des films et des séries populaires dans la Russie d’aujourd’hui ou qui l’ont été en Union soviétique mais qui sont ignorés par les chaînes françaises de télévision. C’est un travail long, difficile, gracieusement offert sur YouTube à des francophones qui veulent se perfectionner en russe et/ou qui veulent découvrir une société pas obligatoirement peuplée de balourds mal désoviétisés.

Il est vrai que de nombreux Russes continuent de regarder les films et séries de l’époque soviétique et Tfaufau a eu la bonne idée de nous faire connaître La porte d’Ilitch dans sa version non-censurée de 1987 et les Dix-sept moments de printemps, une passionnante série de 1973 qui raconte les exploits, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’un espion soviétique placé au cœur des services de sécurité nazis.

Quant aux comédies russes tournées au cours des dix dernières années, elles ne sont pas très différentes de celles qu’on voit en France ou aux Etats-Unis. De quoi parlent les hommes (2010) porte classiquement sur les soucis existentiels des quadragénaires de la classe moyenne. Le mal-être d’Irina, adolescente en crise, et le discret désespoir de Vitali dans Les inadaptés (2010) nous sont également familiers. La série Les internes met aux prises un chef de service aux sarcasmes très étudiés et ses souffre-douleurs dans un hôpital où l’on croise prostituées, corrupteurs et corruptibles, transgenre et infirmière au grand cœur… Jour de radio (2007) nous plonge dans le quotidien d’une station privée en butte à la concurrence et où les communicants inventent la fantastique histoire de la dérive d’un cargo transportant des animaux d’autant plus rares que les espèces en périls ont été inventées pour les besoins de la cause et leurs mœurs détaillées sous l’effet de la vodka.

On retrouve la même équipe de créatifs génialement allumés dans Jour d’élection où la campagne pour la réélection du gouverneur régional prend un tour inattendu car un concours de circonstances fait qu’on décide qu’elles seront réellement démocratiques. Ils s’y confirme qu’en Russie, le mot  « merde » est, en politique, « le synonyme d’éternité ». Alors on intrigue, on manipule, on improvise, il y a aussi de l’amour, un ataman cosaque qui a pris la nationalité italienne et un candidat de la droite dure qui promet qu’il autorisera la Gay Pride et qui finit par pleurer en écoutant Le lac des cygnes. A Moscou, de hauts personnages poutiniens font semblant de comprendre ce qui se passe sur les bords de la Volga, finissent par comprendre que tout leur échappe mais récupèrent le candidat élu à la surprise générale en s’arrangeant pour que ce faux général du FSB inconnu dans les services secrets soit in extremis doté d’une carrière d’attaché militaire en Zouroumbie, « un pays qui n’existe peut-être pas mais où nous avons un consulat ».

De film en série, les débutants en russe enrichiront leur vocabulaire d’insultes courantes et rares, d’expressions idiomatiques et même de mots inconnus des Russes eux-mêmes mais qu’on entend parfois à la radio quand c’est la délicieuse Nonna qui est au micro.

***

(1) https://www.youtube.com/user/tfaufau/featured

Article publié dans le numéro 1141 de « Royaliste » – 20 mars 2018

 

Partagez

0 commentaires