Les débats sur la prostitution et sur la pornographie à la télévision marquent l’effondrement de l’ultra-féminisme. Les « femmes libérées » des années soixante dix ne furent que des bourgeoises en quête de pouvoirs politiques et sociaux, qui défendent aujourd’hui leurs seuls intérêts.
La Pensée Correcte fait obligation d’être libéral en matière de pornographie. Toute attitude critique est par conséquent dénoncée comme retour au « familialisme » et à « l’ordre moral » : tels furent encore les mots employés par Patrick Bloche, qui intervenait à l’Assemblée le 12 décembre lors du débat sur la violence et la pornographie à la télévision. Ce député socialiste de la jeune « génération morale » (ex-jospiniste), qui participait à la manœuvre (réussie) destinée à empêcher le vote de dispositions restrictives en la matière, méconnaît l’histoire de la révolution culturelle de 1968, chapitre « libération des mœurs ».
S’il avait pris soin de consulter trois ouvrages de références (1), il saurait que le Mouvement de Libération des Femmes mena en 1975 une campagne violente contre le film « Histoire d’O » et contre L’Express qui en faisait la promotion. Ces actes de censure symbolique ne répugnaient pas aux militantes révolutionnaires. Elles ont oublié aujourd’hui combien elles avaient raison de se révolter contre des spectacles humiliants : pas de pétition des anciennes du MLF et des Chiennes de garde pour soutenir Blandine Kriegel, pourtant vivement attaquée dans les médias. Silence…
Silence à peine déchiré par la flèche empoisonnée décochée par Françoise Giroud, ancienne secrétaire d’Etat à la Condition féminine (1974- ?), dans les colonnes du Nouvel Observateur (2). Blandine Kriegel n’aurait pas respecté les convenances médiatiques, voilà ce que nous apprend la célèbre journaliste qui, tout au bonheur d’avoir pour gendre le producteur Marin Karmitz, n’a pas songé une seconde qu’elle relayait la campagne menée par les milieux cinématographique contre le durcissement de la législation. Il est vrai qu’on ne parle pas d’argent dans les dîners en ville, mais seulement des grandes causes humanitaires qui élèvent l’esprit à l’heure où les foies s’engorgent.
On ne parle pas non plus de prostitution. En tous cas, on n’en a pas parlé dans les milieux bien-pensants de gauche (et de droite, d’ailleurs) depuis le grand mouvement des filles en 1975, qui coïncide avec la promotion de la condition féminine et avec la prise du pouvoir culturel par les ultra-féministes. Silence sur l’exploitation éhontée, sur l’esclavage visible jusqu’à ce qu’on s’aperçoive, tardivement, du traitement encore plus inhumain qui est appliqué aux femmes de l’Est européen. Pas de « chiennes de garde » sur les boulevards, mais seulement sur les plateaux de télévision. Pire : la réprobation exprimée, depuis son très confortable salon, par Gisèle Halimi à la veille de la manifestation organisée le 5 novembre par les prostituées parisiennes. « Je ne leur reproche pas de manifester, mais de manifester mal », proclama urbi et orbi la célèbre avocate – qui n’a jamais eu à vendre son corps pour donner à manger à ses enfants.
Sans la moindre considération pour le point de vue exprimé par les prostituées, qui invoquent en général une nécessité imposée par la misère (3), les féministes appuyés par des organisations de gauche ont manifesté le 10 décembre contre la prostitution – et donc, objectivement, pour la politique de nettoyage social menée dans les centres urbains par Nicolas Sarkozy. L’ultra-féminisme ne fut qu’un psychodrame bourgeois. Il est logique qu’il agonise dans la défense hypocrite de l’ordre social et du confort des hautes classes.
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(1) Annie de Pisan, Anne Tristan, Histoires du M.L.F., préface de Simone de Beauvoir, Calmann-Lévy, 1977, collection « L’ordre des choses » dirigée par Blandine Barret-Kriegel ; et Jean-Pierre Le Goff, Mai 1968, l’héritage impossible, La Découverte, 1998. Relire les pages (315-322) de Jean-Toussaint Desanti sur la redoutable confusion entre l’image virtuelle et le réel, dans La liberté nous aime encore, Odile Jacob, 2001.
(2) n° 1986 28-11-2002N
(3) l’enquête de Delphine Saubaber, « Paroles d’anciennes », dans L’Express du 22/08-2002.
Article publié dans le numéro 806 de « Royaliste » – 23 décembre 2002
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