« Il faut un Président à la France » disaient, en 1981, les affiches d’un candidat qui n’était autre que le chef de l’Etat en exercice. D’aucuns, les lisant, crurent comprendre qu’il y avait eu sept années de vacance et en tirèrent la conclusion. Mais maintenant, et c’est cela le véritable changement, il est clair que la France a un Président, du moins en ce qui concerne notre politique extérieure et notre défense.

Le dire n’est pas faire acte d’allégeance, et souligner l’importance politique de l’entretien télévisé du 16 novembre ne signifie pas que nous avons décidé de suivre le Président les yeux fermés. Dans notre monde violent et compliqué, dans un pays encore trop faible et menacé par plus « grands » que lui, le doute est permis et la dérive toujours redoutée.

QU’EST-CE QU’UN PRESIDENT ?

Mais tout de même ! Que cherchons-nous, les uns et les autres, sous des étiquettes et des formules différentes ? D’abord que la France soit comprise, aimée, et bien servie. Cela implique, pour l’homme qui la représente et cherche à l’incarner, à la fois fermeté, fidélité et liberté dans l’action. Là est l’essentiel, que le Président de la République a rappelé en quelques phrases simples et justes, et qu’il tente de traduire en actes au prix des drames et des difficultés que l’on sait.

Un Président, n’en déplaise à Georges Marchais, c’est l’unité de la décision, sans laquelle rien ne peut être entrepris ni défendu. Une assemblée ou un conseil émettent des critiques ou des avis presque toujours contradictoires ; comment pourraient-ils choisir, donc trancher par eux-mêmes ? En matière de défense, comme pour les autres grandes orientations politiques, tout dépend de la « détermination » (1) d’un seul. Il était bon que cela fût souligné, qui résume la pratique du pouvoir.

Un Président, c’est la fidélité au projet de la nation, pour elle-même et dans le monde. C’est une volonté mise au service de l’indépendance du pays, « de nos actions et de nos jugements », et c’est le refus de l’effacement : « je ne peux pas signer – je m’y refuserai – la disparition de la France de la surface du globe, en dehors de son pré carré ». Si le Président ne le peut pas, c’est qu’il se considère comme le continuateur d’une tradition historique, et non comme l’expression d’un simple phénomène électoral ; c’est qu’il a la charge de défendre des « intérêts légitimes », et non pas ceux de ses électeurs ; c’est que la mission dont il est investi dépasse l’homme qu’il est, et le partisan qu’il a été. Il était bon que cela fut rappelé, qui résume le souci politique.

Un Président c’est, dans l’action, la pleine liberté à l’égard de son parti d’origine, comme de tout autre. L’opposition, qui cherche une faille de ce côté, et qui fait semblant de la trouver, ne peut être prise au sérieux dans ses remontrances. Renvoyant l’Internationale socialiste à ses contradictions, et les partis à leurs débats, le Président a clairement affirmé qu’il n’avait d’autre responsabilité que « son devoir vis-à-vis de la France ». Il était bon que cela fut rappelé, qui résume la condition première de l’exercice de tout pouvoir vrai.

Sans doute, l’opposition continuera de dénoncer les intentions et les compromissions cachées. Mais comment ne pas voir que, jour après jour, les faits apportent à la droite de cinglants démentis ? Le parti dominant, on le sait encore mieux depuis le congrès de Bourg-en-Bresse, ne peut que s’incliner devant la volonté présidentielle. Quant au Parti communiste, il est évident qu’il n’exerce aucune influence sur la politique étrangère et sur la défense. A-t-il empêché le Président de se déclarer favorable à l’installation des Pershing.2 ou d’intervenir au Liban et au Tchad ? Il n’empêche même pas Mme Cresson d’exclure, dans des conditions humiliantes, J.B. Doumeng de la commission franco-soviétique…Tout discours sur le « socialo-communisme » relève de la polémique : le parti communiste n’a d’autre choix que s’aligner ou s’en aller.

MITTERRANDISME ?

Faut-il, dès lors, se proclamer « mitterrandiste » ? Pour le présent sans doute, même si les décisions économiques se font attendre. Mais les perspectives sont trop limitées par les échéances électorales pour que l’on puisse se contenter de cette attitude. Tranchons le mot, au risque de faire frémir : nous sommes dans une monarchie de fait instaurée par le général de Gaulle et restaurée par François Mitterrand après l’intermède giscardien, puisque la monarchie, au sens premier, n’est autre que cette unité de décision. Plus encore : la fidélité au projet national et le souci de l’indépendance du pouvoir sont au cœur de la politique capétienne que le Président reprend, peut-être inconsciemment, quand il dit que rien ne peut être fait sans la solidarité des Français « devant l’histoire et dans le temps ». Telle est bien la nécessité fondamentale que le comte de Paris exprimait dans sa « Lettre aux Français ».

Mais cette monarchie de fait est trop partiellement accomplie pour que la solidarité puisse être effectivement vécue. Manque l’homme qui incarnerait l’histoire tout entière, par héritage transmis de siècle en siècle. Manque l’adhésion populaire – ce fameux consensus toujours refusé qui fait du chef de l’Etat l’élu d’un camp contre un autre camp. Manque le temps nécessaire à l’accomplissement du projet, et les règles qui permettraient que sa continuité soit assurée. Il n’est pas fou de prolonger ainsi la réflexion présidentielle sur le pouvoir. Après tout, c’est le général de Gaulle qui avait poussé la logique des institutions jusqu’à son terme en songeant à faire appel au comte de Paris.

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(1) Toutes les citations sont extraites de l’entretien télévisé du 16 novembre.

Editorial du numéro 393 de « Royaliste » – 7 décembre 1983.

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