Vaincre les oligarques

Avr 4, 2005 | Union européenne

 

Les oligarques de gauche ont voulu faire peur aux adversaires du « traité constitutionnel ». Faute d’y parvenir, ils tentent de les intimider en décrétant que le 29 mai aura le caractère solennel d’un événement historique. François Hollande n’est pas Hegel et la grandeur réinterprétée par les chantres de la rue de Solferino se module dans la grandiloquence.

Ces gesticulations seraient risibles si elles ne s’accompagnaient d’injonctions qu’on déclare « pédagogiques » mais qui recèlent le mépris des hautes classes pour le peuple français. Madame Guigou représente parfaitement la bourgeoise indignée par l’insolence du petit personnel. Ses réprimandes coléreuses sont moins habiles que les leçons dispensées par la tribu des petits-maîtres conduite par François Hollande et Dominique Voynet :

Nous devons voter sur le traité et sur lui seulement ! Nous devons lire le texte avec leurs propres lunettes ! Nous devons attendre deux ans pour manifester notre opposition au gouvernement !

Sinon ?

Sinon on ressortira du placard l’épouvantable Le Pen en habits de père Fouettard…

Les oligarques de gauche, et ceux de droite qui s’intéressent à cette campagne, ressemblent à des instituteurs débordés par un interminable chahut. Ils comprennent d’autant moins ce qui se passe que ce sont d’excellents électeurs qui mènent la révolte.

Témoins et acteurs, nous en attestons : le traité est lu, examiné article par article dans les réunions publiques, sur la Toile, dans d’innombrables discussions – et ce qui est mis à jour renforce le courant d’hostilité à ce texte inepte et dangereux.

Inepte dans son dispositif « constitutionnel ». Dangereux parce que les contradictions et les obscurités de cet agencement permettraient aux oligarchies européennes de prendre leurs décisions plus facilement qu’aujourd’hui, sans que les peuples puissent s’y opposer.

Mais les adversaires du traité n’ignorent rien de ces intentions et se battent autant pour la nation et le peuple français que pour la démocratie dans l’Union européenne. Et quelques soient les manipulations qu’on prépare à l’Elysée et à l’annexe de Solferino, on ne parviendra pas à disqualifier le Non des socialistes patriotes, des gaullistes, des royalistes, des communistes et des dirigeants d’Attac en le réduisant aux pulsions du nationalisme autoritaire. Pourquoi ? Parce que la souveraineté n’est pas l’enjeu de la bataille : elle se mène contre une imposture juridique, contre une caste sociale, contre la destruction des économies européennes par la concurrence sauvage.

On comprend l’affolement des ultralibéraux de droite et de leurs pitoyables collaborateurs de gauche : leur pouvoir, leurs instruments idéologiques, leurs pratiques arbitraires sont radicalement récusés. C’est pourquoi ils voudraient que les électeurs s’en tiennent au texte du traité – avec le pari perdu qu’ils ne le liront pas et, s’ils le lisent, qu’ils ne le comprendront pas. C’est pourquoi ils voudraient placer les électeurs devant l’alternative fausse, mais intimidante, d’un «Oui à l’Europe » ou d’un Non qui marquerait l’isolement durable de la France.

Cette double manœuvre peut et doit être mise en échec.

Quant au « traité constitutionnel », il est facile de montrer que tout est lié. On ne peut se prononcer sur ce texte sans tenir compte de l’exposé des motifs qui sera adressé à tous les électeurs et qui engage manifestement le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. On ne peut se prononcer sur ce texte qui renforce le pouvoir des oligarchies européennes sans porter un jugement sur les oligarques. On ne peut se prononcer sur ce texte qui consacre l’idéologie ultralibérale en faisant abstraction de ses conséquences : la rigueur budgétaire est cause de souffrance, par exemple dans les hôpitaux victimes de plans d’« économies » ; le principe de concurrence engendre le chômage…

Quant à l’Europe, nous avons à montrer que le rejet du texte doit conduire à la négociation d’un nouveau traité européen, nettement confédéral et orienté vers le développement économique et social de toutes les nations du continent.

Les oligarchies doivent être vaincues parce qu’elles veulent durcir et figer un système régressif. Nous disons non par impatience de l’avenir.

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Editorial du numéro 857 de « Royaliste » – 4 abril 2005

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