Conséquence catastrophique des luttes politiques entre révolutionnaires, à Paris comme sur le terrain, la guerre de Vendée se termine en 1796 mais se prolonge de diverses manières jusqu’à nos jours.
Un film récemment consacré à Charette a attiré l’attention sur la guerre de Vendée et réveillé de fugitives polémiques. Auteur de nombreux ouvrages sur cette guerre civile et sur ses échos dans la mémoire française, Jean-Clément Martin a publié voici un an une synthèse de ses travaux (1) qui constitue une passionnante biographie collective. Elle permet de replacer le débat sur le terrain historiographique, hors des célébrations contre-révolutionnaires, des dissertations vindicatoires et des pieuses récupérations qui se situent dans le champ de la mémoire.
La guerre de Vendée n’aurait pas dû éclater sur cet ensemble de territoires qui n’ont pas de dénomination commune sous l’Ancien Régime. Décidée par la Convention pour faire face à la pression des armées ennemies, la mobilisation de 300 000 hommes provoque des insurrections paysannes sur l’ensemble du territoire national. Les bandes armées sont rapidement dispersées au printemps 1793, sauf autour de Machecoul, occupée à la mi-mars par plusieurs milliers d’insurgés.
Il s’agissait là d’un événement de portée locale, qui aurait été facilement maîtrisé si les Montagnards ne l’avaient pas inscrit dans la dramaturgie révolutionnaire. Les Girondins, qui ne sont pour rien dans l’affaire de Machecoul, sont accusés de mollesse. L’insurrection paysanne locale est transformée en véritable guerre, l’ennemi intérieur étant placé sur le même plan que l’ennemi extérieur. C’est ainsi que la dramatisation politique débouche sur une véritable tragédie et que l’invention d’une “guerre de Vendée” imaginaire dans le discours montagnard produit une situation de guerre civile – vite aggravée par les erreurs tactiques des troupes dépêchées sur le terrain puis par le conflit entre les Montagnards et les Sans-Culottes.
Jean-Clément Martin expose les grandes phases de cette guerre, impitoyable comme tous les affrontements de ce type : massacres de masses, exactions en tous genres, destructions systématiques. La promotion de ces atrocités en génocide n’a pas lieu d’être. Apparu dans le contexte de la lutte entre la droite conservatrice et la gauche mitterrandienne et développé selon la logique de concurrence victimaire, le thème du “génocide vendéen” est sans fondement, comme nous l’avons pour notre part toujours affirmé. Le discours d’extermination ne vise pas tous les Vendéens sur l’ensemble du territoire national mais les “brigands” de la Vendée qui, dès 1795, sont désignés comme des “frères séparés”, appelés à revenir dans la collectivité nationale.
Il n’y a pas non plus de “mémoricide”. Au XIXe siècle, les Mémoires de la marquise de La Rochejaquelein sont largement diffusés en France et en Europe. Il faut d’ailleurs souligner que, sous la Restauration, les commémorations de la guerre ont été maintenues dans le domaine privé. Au XXe siècle, la mémoire vendéenne a pu se nourrir d’une vaste bibliographie, facilement accessible.
Qu’on n’imagine pas, cependant, une Vendée confinée dans le souvenir. A la fin du XIXe siècle, les élites locales, catholiques et royalistes, se sont ingéniées à développer le pays et réussi un solide alliage de tradition et de modernité qui permet à la Vendée de résister, aujourd’hui encore, aux ravages du néolibéralisme.
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(1) Jean-Clément Martin, Les Vendéens, PUF, mars 2022. Voir aussi l’entretien publié par l’auteur sur ce blog.
Article publié dans le numéro 1251 de « Royaliste » – 23 février 2023
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