On affirme que la gauche a perdu la bataille des municipales. Soit.

On dit que la droite s’en trouve ragaillardie. Pourquoi pas ?

Des commentateurs hauts placés affirment que l’élection présidentielle n’est pas jouée. Y avait-il doute en la matière ?

A vrai dire, tout cela est mineur. On nous parle du royaume des ombres. On nous fait voir dans la lucarne des vaisseaux fantômes et des combats de spectres.

Le pauvre Robert Hue s’est mis la corde au cou en juin 1997. Le nœud se resserre.

Philippe Séguin méprise ses concitoyens. Ce mépris lui est retourné, comme une gifle.

En Avignon, c’est un ministre battu qui pleurniche. Elisabeth Guigou versera toujours moins de larmes que les mères yougoslaves – celles du Kosovo, de Voïvodine, de Serbie, et maintenant de Macédoine, toutes victimes de l’agression criminelle de l’OTAN et de ses conséquences.

Nous perdrions notre temps à énumérer les tristes figures qui appartiennent à un passé révolu. Le parti gaulliste a sombré quand Jacques Chirac y a pris le pouvoir. La droite libérale s’est effacée avec Valéry Giscard d’Estaing. Le Parti communisme n’était déjà plus révolutionnaire en 1968. Les restes du socialisme démocratique ont disparu avec François Mitterrand. La « gauche morale » est morte dans sa guerre des Balkans. Et si Lionel Jospin survit comme Jacques Chirac par sa constance dans le reniement, la droite et la gauche dont on nous parle sont bien cadavérisées – mémoires vides, fidélités éteintes, convictions absentes, projets anéantis. A droite, on suit un convoi funéraire. Pour la gauche socialiste et radicale, c’est pire : on commence à sortir les cadavres des placards, ceux de la Collaboration.

Si je prends note des enterrements qui passent, c’est pour mieux annoncer la prochaine renaissance des grandes familles politiques du pays. On s’apercevra bientôt que les désastres, à droite comme à gauche, ont stimulé la réflexion et les énergies militantes. Comme toujours, les pensées et les actes de résistance ont mobilisé peu de monde. Mais nous montrons chaque quinzaine la magnifique vitalité de la pensée française et européenne, qui est en train de faire renaître nos principales traditions politiques. L’idée républicaine a été renouvelée. Un marxisme profondément retravaillé empêchera le communisme de mourir. Le courant social-chrétien ne se porte pas mal. Le libéralisme politique nous est intelligemment présenté. Un projet authentiquement socialiste figure à l’état virtuel sur les rayons des libraires…

Voilà qui devrait permettre la relance du débat démocratique. Il existe à l’extérieur des partis, et commence à renaître dans les grandes organisations. Comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, les élections municipales ont été marquées par la victoire d’hommes et de femmes de rang moyen dans les appareils partisans, envoyés à l’assaut de citadelles réputées imprenables par la haute hiérarchie, et qui ont gagné la partie. Ainsi Bertrand Delanoë à Paris et Gérard Collomb à Lyon. D’autres, à droite, sont riches de promesses, qu’ils aient été vainqueurs ou vaincus.

Ces personnalités sont trop rares pour qu’on puisse parler d’une nouvelle génération. Mais la sociologie politique nous importe moins que nos affinités militantes. Nous sommes dans le camp républicain, contre toutes les variantes du libéralisme économique. Hostiles au nationalisme autoritaire de droite ou de gauche, nous sommes dans le mouvement patriotique et révolutionnaire qui se retrouve autour de la Déclaration de 1789 (œuvre essentiellement monarchienne, qu’on ne l’oublie pas) et dans le Préambule de 1946. Depuis trente ans, nous voulons que se renoue l’alliance des royalistes, des gaullistes, des socialistes patriotes et des communistes. Plusieurs tentatives ont échoué, faute d’un mouvement de l’histoire qui aurait fait voir cette nécessité. Mais nous voici placés en un moment qui pourrait être décisif, puisque nous assistons à la conjonction de toutes les crises (politique, économique, financière, agricole…) et à l’explosion des révoltes sociales. Pour éviter autant que possible la violence, il faut donner un sens politique à la colère exprimée des paysans, des cadres exploités, des fonctionnaires, et à celle, encore refoulée, des employés et des ouvriers. Telle est l’urgence.

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Editorial du numéro 769 de « Royaliste » – 2 avril 2001

 

 

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