Le rapport de Blandine Kriegel sur la violence à la télévision suscite de vives polémiques et soumis le gouvernement à de fortes pressions. A la veille du débat parlementaire, essayons de préciser les enjeux.
Clarifions d’abord les choses pour ce qui nous concerne. Le mot royaliste ayant été utilisé (par Le Monde et Libération) lors de misérables manipulations pendant la campagne des présidentielle, puis jeté à l’opinion publique lors de l’occupation de la basilique de Saint-Denis par des sans-papiers, nous dénions à quiconque le droit de l’utiliser pour écrire que Blandine Kriegel est naturellement défendue par des royalistes qui seraient les défenseurs attitrés de l’ordre moral.
A l’intention des policiers de la Bonne Pensée libéral-libertaire, nous rappellerons que notre journal a soutenu Ségolène royal quand elle avait fait campagne, voici plus de dix ans, contre les effets de la violence télévisée sur les enfants. Ce n’est pas notre faute si les socialistes n’ont rien fait et si c’est la droite qui se prépare à légiférer.
Nous sommes toujours prudents lorsqu’il s’agit d’émettre des jugements sur les mœurs, car nous sommes attachés à la distinction entre les prescriptions morales (que nous ne saurions donner) et les jugements politiques. Mais nous sommes en droit de dire notre opinion lorsque nous sommes en présence d’une idéologie implicitement normative (par exemple la «révolution sexuelle » de 1968) et face à la diffusion massive d’images violentes.
Quant à la « libéralisation des mœurs » nous avons souvent moqué ceux qui dénoncent le « tabou sexuel » alors qu’on ne cesse de parler et de montrer le Sexe, et prié les destructeurs de tabous de nous dire s’il était interdit d’interdire l’inceste et le meurtre.
Quant à « l’ordre moral », nous trouvons étrange que nos modernes moralisateurs approuvent l’interdiction de fumer dans les lieux publics tout en faisant la promotion des drogues douces dans leurs congrès.
Quant à la diffusion d’images violentes, nous ne cessons de répéter que la télévision ne médiatise rien, mais qu’elle diffuse sans relâche de la pulsion. Moins il y a de paroles pour donner sens aux images, plus la pulsion est violente. Dans l’ordre (anti) politique, Hitler est le maître incontestée du spectacle pulsionnel. Dans le domaine artistique, la pornographie est une diffusion en gros plans du fonctionnement des appareils reproducteurs mâle et femelle qui est le contraire de l’érotisme et qui n’a rien à voir avec la libération de la jouissance – la promotion d’une célèbre pilule érectile par Le Nouvel observateur, trente ans après la célébration de la « révolution culturelle », étant significative à cet égard.
C’est dire que tous ceux qui inscrivent le rapport de Blandine Kriegel dans le débat sur l’ordre moral, sur la libération des mœurs et sur la censure des œuvres artistiques sont hors sujet. Ce rapport est politique, donc juridique. Il procède du droit : droit essentiel à la sûreté, respect de la dignité de la personne humaine réaffirmé par le Préambule de 1946. Il invoque la légalité – les lois sur la protection de l’enfance. Il n’appelle pas à la censure mais à des contrôles renforcés de la diffusion massive d’images violentes afin d’éviter les traumatismes incontestablement liés à ces images et les passages à l’acte (viols collectifs) dont on s’indigne au journal télévisé – peu de temps avant le porno de la soirée.
D’où les recommandations sensées qui portent sur la mise hors de portée des enfants de la pornographie, la réorganisation de la Commission de classification des films et le renforcement des missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel (1). Rien de plus, rien de moins : ces recommandations ne sauraient être confondues avec les déclarations et propositions d’autres personnalités.
La question est maintenant de savoir si le gouvernement saura résister aux remontrances et aux insinuations de la mouvance libérale-libertaire et aux fortes pressions exercées par l’industrie cinématographique. Réponse le 12 décembre, à l’Assemblée.
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(1) Texte du rapport sur le site du ministère de la Culture.
Article publié dans le numéro 805 de « Royaliste » – 9 décembre 2002
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