Dans le sale débat qui entoure le procès de Bordeaux, c’est Philippe Séguin qui a raison. Raison de défendre le Général de Gaulle, et l’idée même de la France, contre ceux qui s’acharnent à briser de prétendus « tabous » au nom d’une lucidité supérieure et d’une moralité sans tache.
Pauvres petits comptables, indifférents à l’histoire. Pauvres petits esprits, qui jugent, salissent et condamnent sans jamais citer leurs références, sans jamais dire ce qu’ils veulent vraiment. D’ordinaire, on n’ose pas leur répondre : ils font les modes intellectuelles, ils sont maîtres des éloges, ils prétendent exprimer l’air du temps dans des éditoriaux qui sont pieusement repris par leurs copains de la télévision.
Paranoïa ? L’accusation portée contre Philippe Séguin est d’autant plus comique que ces petits messieurs ont pleinement justifié la colère du président du RPR lorsqu’ils ont publié leurs propres répliques : on trouve en effet, dans les éditoriaux de Jacques Amalric et du Monde, cette rage antigaulliste et cette mise en accusation de la nation française justement dénoncées dans l’article du Figaro (1).
Pauvres petits messieurs. Ils se prennent pour des experts en stratégies et en tactiques, mais ils ne voient pas que Philippe Séguin occupe aujourd’hui une position-clé dans la lutte contre le Front national, et n’ont jamais compris que la riposte intellectuelle et politique au national-populisme doit être menée selon la tradition millénaire de la France, que le général de Gaulle sut magnifiquement incarner.
Pauvres petits esprits. Ils ne sont pas seuls responsables, puisque Jacques Chirac, toujours incertain de lui-même mais jamais à court de complaisances, entérina la thèse de la culpabilité de la France sous l’Occupation. Ils ne sont pas seuls responsables, puisque Lionel Jospin autorise la mollesse des attitudes et des convictions : après avoir entériné les propos présidentiels, le voici qui dénonce la confusion entre la République et le régime de Vichy. C’est réduire la tragédie de l’Occupation et l’épopée de la Libération aux balancements circonspects d’une copie de l’ENA, c’est écrire l’histoire comme on annote une motion de congrès, c’est pratiquer l’équilibre prudentiel sur des principes et des valeurs qui ne supportent ni la tiédeur ni ces compromis pitoyables dont un quelconque Laurent Joffrin (2) a voulu faire la théorie.
Pauvres petits mufles de la nouvelle génération jospiniste. Les voici pris au piège de ce « réalisme » qui masque leur mépris ou leur haine de la pensée : dès qu’un débat met en jeu des idées fortes et des principes rigoureux, ils fabriquent une bouillie conceptuelle, en utilisant des mots dont ils ne connaissent pas la signification.
Dire que la France est coupable, ce n’est pas seulement insulter ses combattants, morts et survivants, c’est nier son être. La France est dans son aventure historique, dans sa construction juridique, dans son projet politique conçu et voulu selon le pacte qui lie le pouvoir et le peuple. Lorsque la tradition nationale est subvertie, lorsque le pouvoir renie le principe de justice, lorsqu’il abandonne les habitants du pays à la violence de l’occupant, lorsqu’il ordonne la guerre civile, comme ce fut le cas sous Vichy, la France est là où se préservent sa mémoire, ses principes, son esprit, là où s’accomplissent ses actes de nation libre et résistante.
Dire que l’État est responsable, c’est oublier que l’État est l’ensemble des institutions qui mettent en œuvre le droit. Vichy n’était pas un État, mais un appareil dictatorial, puisqu’il n’y avait là ni référence à une légitimité, ni respect de la légalité.
Dire que le peuple français est responsable des malheurs qui l’ont frappé, c’est reprendre la thématique vichyssoise, c’est vouloir nous faire oublier que les traîtres ont été jugés, condamnés et parfois fusillés.
Vive de Gaulle, donc. Vive le « mythe » gaullien – autrement dit la volonté mobilisatrice et libératrice. Et vive cette étrange « fiction » qui a permis que la France se retrouve, en 1944, libre, indépendante et victorieuse. Une « fiction » que nous continuerons à appeler Résistance.
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(1) les articles de Philippe Séguin (Le Figaro du 21/10), de Jacques Amalric (Libération du 22/10) et de l’éditorialiste anonyme du Monde (23/10).
(2) cf. son article du 22 octobre dans Libération.
Editorial du numéro 694 de « Royaliste » – 3 novembre 1997.
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