Le désormais célèbre Monsieur Z. fut le résultat d’une construction médiatique qui permit à ce polémiste parisien de jouer au sauveur de la patrie. Son entrée en campagne a rabaissé le personnage, facile à déconstruire et qui pourrait devenir une cible au lendemain du premier tour.

Tout a été dit sur la promotion d’Éric Zemmour par le groupe Bolloré puis sur l’accueil exceptionnel qu’il reçut dans la presse écrite et audiovisuelle lors de la publication de son livre. Les médias n’étaient pas attirés par la cohérence d’un projet politique mais, comme souvent, par l’audace des transgressions commises par un homme qui se présentait comme historien et doctrinaire, bourré de références livresques servies avec un réel talent.

Les prestations médiatiques de Monsieur Z. ont eu un écho certain dans l’opinion publique. Le courant zemmourien qui s’est formé à l’automne a réuni les divers réseaux de l’ultra-droite, des électeurs déçus par le Rassemblement national mais aussi des citoyens qui ne se situent pas à l’extrême droite. Ces derniers sont angoissés par le déclassement de la France, par la transformation des modes de vie et par les thématiques antinationales et post-nationales. Aux yeux de ces trois catégories, Éric Zemmour paraissait et apparaît encore comme le sauveur de la patrie. Or il y a, à tous égards, erreur sur la personne.

Éric Zemmour n’est pas un historien. C’est un essayiste militant qui projette sur divers épisodes historiques son obsession de l’invasion arabo-musulmane, ses préjugés identitaires et ses projets de recomposition de la droite.

Éric Zemmour n’est pas l’inventeur d’une nouvelle doctrine nationaliste. Il s’est contenté de recycler divers éléments de l’idéologie réactionnaire – plus particulièrement le maurrassisme. L’essayiste a par exemple pris chez Maurras sa vision utilitaire du catholicisme et sa xénophobie mais en reportant sur les arabo-musulmans les discours d’exclusion visant les Juifs.

Éric Zemmour n’est pas non plus un philosophe de l’histoire. Ses discours sur la “guerre des civilisations” sont démentis par l’histoire de la France et par l’histoire de l’Europe : les longs conflits entre la France et l’Angleterre, entre la France et l’Espagne, entre la France et l’Allemagne ont opposé des États chrétiens. L’invasion de l’Ukraine par les armées de la fédération de Russie apportent un démenti supplémentaire – dont nous aurions préféré nous passer – à la thèse du choc des civilisations. Le fantasme du Grand remplacement n’a pas plus de consistance (notre article en page 3).   

Ces interprétations fantasmatiques de l’histoire ne servent qu’à alimenter un discours de guerre civile, celle-ci étant conçue par Éric Zemmour comme une “revanche de la guerre d’Algérie”. Pour ne pas “vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres”, disait l’essayiste à la convention de la droite en 2019, les jeunes Français “devront se battre pour leur libération”.

Cette bataille libératrice, Éric Zemmour veut d’abord la mener sur le front social. Le candidat a annoncé qu’il retirerait aux étrangers non-européens les allocations familiales, les prestations logement, le minimum vieillesse et le RSA. Au-delà des discussions sur le montant effectif des économies réalisées, il est clair que ce programme serait en contradiction avec nos principes constitutionnels. Le candidat a prévu l’objection, et annoncé le recours à un référendum permettant d’imposer aux juges la politique zemmourienne. La main sur le cœur, il jure qu’il ne veut pas s’attaquer à l’Etat de droit “mais à la façon dont les juges ont pris en otage l’Etat de droit pour imposer leur vision idéologique”. Cela signifie-t-il que l’application du principe fondamental d’égalité est “idéologique” et que “les juges” seraient les avocats des immigrés ? Et si oui, comment mettre au pas le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat ? C’est bien l’Etat de droit qui est menacé.

Le reste du programme “social” du candidat est résolument libéral : pas d’augmentation du Smic mais réduction des charges sociales des entreprises et réduction des impôts de production. Et pas la moindre remise en question de l’euro, principal facteur de contrainte salariale et de désindustrialisation. C’est qu’il ne faut pas inquiéter le patronat et la bourgeoisie conservatrice qu’il faut au contraire séduire, afin qu’elle s’allie aux bons ouvriers français pour bouter les arabo-musulmans hors de France.

Le grand rêve d’Éric Zemmour, c’est en effet l’union des droites qui s’opérerait en réconciliant les mémoires droitières sur l’Occupation et sur la guerre d’Algérie. D’où la fable de l’épée gaullienne et du bouclier pétainiste ; d’où le compliment adressé au général de Gaulle qui aurait accordé aux Français un répit en sacrifiant l’Algérie pour “éviter la submersion démographique de l’Islam”.

En accueillant Marion Maréchal dans l’équipe de son parti, Éric Zemmour est persuadé qu’il amorce cette union des droites dont il rêve. Parions que, le moment venu, les ultra-catholiques et les autres variétés d’extrémistes qui animent son parti choisiront, pour mener la “reconquête”, une catholique, blonde et blanche de peau. Voici la louve dans la bergerie.

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Article publié dans le numéro 1230 de « Royaliste » – 12 mars 2022

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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