Quand le dieu-marché attaque l’euro-fétiche, quand un pays de la zone euro est menacé de faillite, quand d’autres risquent de succomber, les européistes sacrifient l’européisme et les Etats les plus riches disent que les pauvres n’ont qu’à se débrouiller.
La « forteresse euro » est en papier mâché. Cette évidence première a été prouvée l’an dernier, lorsque chacun a pu constater que la sacro-sainte zone ne nous protégeait ni de la récession, ni du chômage. La seule défense des oligarques français est de souligner que la France s’en tire mieux que d’autres – grâce au modèle social qu’ils s’acharnent à détruire. Argument bien peu européen mais cependant fondé du point de vue statistique : le taux de chômage français se situe dans la moyenne de la zone (10%) alors qu’il atteint 19, 4% de la population active en Espagne (1).
Constat plus désagréable encore pour les oligarques européens qui vantent depuis deux ans la force de la monnaie européenne confrontée à la tourmente mondiale : depuis quelques semaines, ils ont beaucoup de mal à cacher que la zone euro est menacée dans son existence même. Certes, Jean-Claude Trichet et ses porte-voix clament que l’évocation d’une telle menace est « absurde » car il faut maintenir la confiance. Mais le simple exposé des faits dans les médias montre qu’on cherche à nous berner, ce qui sape la confiance encore plus que si l’on avait reconnu d’emblée l’existence d’un « problème ».
Or le problème est majeur. La Grèce a avoué un déficit impressionnant qui provoque la défiance des marchés financiers : l’écart (spread) entre le taux des obligations allemandes à dix ans et le taux grec se creuse fortement (2) et rend de plus en plus difficile le financement de la dette souveraine. Comme la dévaluation est impossible, le gouvernement grec n’a plus que deux solutions théoriques : demander le soutien financier de ses partenaires de la zone euro ou soumettre le peuple grec à une rigueur impitoyable.
Dans la pratique, ces deux solutions n’en font qu’une : l’extrême rigueur, sans la solidarité des autres Etats membres de la zone euro qui sont confrontés à la baisse de la « monnaie unique » par rapport au dollar. La Banque centrale européenne et les autorités allemandes répétaient à l’unisson, fin janvier, qu’il n’était pas question de soutenir la Grèce. C’est qu’il faudrait dans la même foulée soutenir l’Irlande, le Portugal et l’Espagne ! Le 31 janvier, le gouvernement socialiste grec se trouvait obligé de prendre les mesures destinées à ramener le déficit de 12% à 3% d’ici 2010 (ce qui est impossible) alors que le peuple grec est déjà en révolte. Nous en sommes là.
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(1) Derniers chiffres connus, novembre 2009. Source Eurostat
(2) Le jeudi 28 janvier l’écart était de 4 points (du jamais vu), soit 7,1 % pour les emprunts d’Etat grecs à dix ans, contre 3,1 % pour les Bunds de même durée.
Article publié dans le numéro 963 de « Royaliste » – 8 février 2010
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