Marine Le Pen, Vichy et le Vel’d’Hiv – Chronique 136

Avr 11, 2017 | Chronique politique | 5 commentaires

 

La polémique créée à partir des propos de Marine Le Pen sur la rafle du Vel’d’Hiv est hallucinante au sens propre du terme : ce qui est perçu de ce qu’elle dit est étranger à la réalité de ses déclarations.

Quand un individu est victime d’hallucinations, seul son entourage peut en être troublé. Si des personnages publics, relayés par les médias, condamnent des propos au motif qu’ils exprimeraient le contraire de ce qui est effectivement dit, le trouble devient général car il y a inversion du motif du scandale. La vérité historique est proclamée fausse, l’erreur historique est proclamée absolument vraie et ceux qui contestent cette fausse vérité sont dénoncés comme révisionnistes : tel est le délire collectif auquel il faut résister.

Quand Marine Le Pen déclare que « la France n’est pas responsable du Vel’d’Hiv », elle ne fait que reprendre la vérité exprimée par les autorités françaises jusqu’en 1995. Vérité historique, qui repose sur une analyse et sur des principes juridiques établis par la Déclaration organique faite à Brazzaville le 16 novembre 1940 : les organismes installés à Vichy sont issus d’un coup d’Etat, le prétendu « gouvernement de Vichy » est une autorité de fait placée dans la dépendance de l’ennemi et dont les actes sont illégaux. La Déclaration de Brazzaville constate que la Constitution est toujours en vigueur et que l’autorité centrale provisoire – qui deviendra le Gouvernement provisoire de la République française – devra répondre de ses actes devant les représentants de la nation lorsque le territoire national sera entièrement libéré. Entièrement libéré : il faut souligner que dès 1940 des territoires français sont administrés par la France libre et participent à l’effort de guerre aux côtés des Alliés. Le Conseil de Défense de l’Empire s’inscrit dans la continuité républicaine et le général de Gaulle est légitime parce qu’il organise la reconquête des territoires occupés – d’abord ceux de l’Empire français puis la métropole.

Une autorité de fait ne peut être identifiée à « la France » et la complicité des vichystes avec l’Occupant dans la rafle du Vel’d’Hiv relève de la trahison. Nul n’ignore que les hommes reconnus coupables de trahison ont été condamnés à la Libération et que tous les actes de l’autorité de fait ont été déclarés nuls et de nul effet par l’ordonnance du 9 août 1944 que je reproduis ci-dessous, ainsi qu’un article, assorti de documents, que j’avais publié après le discours de François Hollande du 22 juillet 2012.

Ces pages de notre histoire politique, juridique, constitutionnelle, viennent d’être recouvertes par des déclarations en forme de procès intenté à Marine Le Pen. Le Monde écrit que le « roman national » que Marine Le Pen et Florian Philippot veulent promouvoir est « anachronique et nauséabond » et que leur « version de l’Histoire » ramène la France « au déni de l’après-guerre ». Cela signifie que le général de Gaulle et l’ensemble des autorités de la France libérée sont coupables de « déni » de même, nous dit Le Monde, que toute la génération de la Seconde Guerre mondiale dont François Mitterrand faisait partie !

Le procès intenté à Marine Le Pen est donc un procès intenté à tous ceux qui récusent les discours sur la culpabilité de la France prononcés par Jacques Chirac et François Hollande : pas seulement aux combattants mais à leurs enfants – aux enfants des gaullistes, des communistes, des chrétiens démocrates, des socialistes patriotes, des royalistes, qui sont fidèles à leurs pères selon la chair ou selon l’esprit. Tous rejetés dans les enfers du déni, du mensonge, de la légende nauséabonde… Ce n’est pas tout : Emmanuel Macron et bien d’autres condamnent la « faute politique et historique » de Marine Le Pen et y voient la preuve que la présidente du Front national est d’extrême-droite. Lorsque Marine Le Pen s’aligne sur le général de Gaulle et sur François Mitterrand, elle est d’extrême-droite ! Lorsque, pressée de questions, Marine Le Pen évoque le « régime collaborationniste de Vichy », elle est d’extrême droite ! Comme si nous pouvions oublier que  pendant toute l’après-guerre, les vichystes s’étaient échinés à faire la différence entre « le Maréchal » et les Collaborateurs !

La Vérité, c’est l’Erreur. L’Erreur, c’est la Vérité. Nous sommes dans un épisode orwellien qui aboutit, dans le camp du Politiquement correct, à entériner la thèse vichyste : si l’on dit que la rafle ordonnée par les Allemands en juillet 1942 est un crime commis par la France, on reconnaît que Vichy, c’est la France, que Pétain, c’est la France comme le martelait la propagande maréchaliste. A vouloir trop accabler Marine Le Pen, on sombre dans l’inepte.

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https://bertrand-renouvin.fr/vichy-un-pouvoir-de-fait/

https://bertrand-renouvin.fr/chronique-54-francois-hollande-le-vel-d{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}E2{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}80{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}99hiv-et-la-france/

Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental.
Article 1
La forme du Gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n’a pas cessé d’exister.

Article 2
Sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu’au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française.
Cette nullité doit être expressément constatée.

Article 3
Est expressément constatée la nullité des actes suivants ;
L’acte dit loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 ;
Tous les actes dits : « actes constitutionnels »,
Tous les actes qui ont institué des juridictions d’exception,
Tous les actes qui ont imposé le travail forcé pour le compte de l’ennemi,
Tous les actes relatifs aux associations dites secrètes,
Tous ceux qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif.
L’acte dit « décret du 16 Juillet 1940 » relatif à la formule exécutoire.
(…)
Article 7
Les actes de l’autorité de fait, se disant « gouvernement de l’Etat français » dont la nullité n’est pas expressément constatée dans la présente ordonnance ou dans les tableaux annexés (annexes non reproduites), continueront à recevoir provisoirement application.
Cette application provisoire prendra fin au fur et à mesure de la constatation expresse de leur nullité prévue à l’article 2.
Cette constatation interviendra par des ordonnances subséquentes qui seront promulguées dans le plus bref délai possible.

 

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5 Commentaires

  1. Joannelle

    Merci Monsieur Renouvin , nous finirions à les écouter par avoir honte d »être français et je suis contente d’avoir eut la même réaction que la vôtre.
    Bravo

  2. OLIVIER COMTE

    Aujourd’hui, comme hier, Bertrand Renouvin défend la vérité.
    Défigurer la France, pour attaquer le FN, ne pourra que servir le FN, contre l’exaltation malsaine de la meute des publicistes et des politiques. L’ignorance, et le fanatisme de la bêtise, ne peuvent que servir l’extrémisme.
    La France ne peut trahir la France. Est-ce une idée trop ancienne pour les idées modernes?

  3. DC

    Les donneurs de leçons de l’histoire, reconnaîtront-ils également dans leur même logique, que la France s’est rendue coupable envers ses propres citoyens, lors des massacres de Françaises et de Français, du 2 au 6 septembre 1792, orchestrés arbitrairement par la Commune insurectionnelle de Paris, en désaccord avec l’Assemblée légale législative, et après le coup d’Etat du 10 août 1792 opéré par ladite Commune de Paris ?

  4. Laforest

    Je vous découvre … en farfouillant dans les notes de Jacques Sapir et ses derniers articles sur certaines « carences » du Président Macron en matière d’Histoire … je dirais plutôt du « sens » de l’Histoire … je vous ai lu avec beaucoup d’intérêts. Bonne continuation .

  5. BERTEN

    Au sujet, de l’intervention, de Monsieur Emmanuel Macron, sur la Rafle du Veldhiv, du 16 juillet 1942 ; ceçi, appartient désormais, à l’histoire ; de plus, il était bien mal placé, pour faire des commentaires, à ce sujet, le 17 juillet 2015 ; il n’était même, pas au Ministère de la Culture et de la Communication, en poste, au moment des fêtes commémoratives et du souvenir; puisqu’il n’était que secrétaire, chargé au Budget, de l’Etat, auprès, du Ministre Michel Sapin… .

    Philippe BERTEN, de Cahors