Décidée par les autorités politiques à l’encontre de la doctrine socialiste, soutenue par le peuple français, accueillie avec enthousiasme par le peuple malien, l’opération Serval est, pour l’Armée française, un magnifique succès. Jean-Christophe Notin (1) éclaire tous les aspects de cette guerre et en tire les enseignements.

Depuis la fin de la guerre froide, l’Armée française a été engagée dans des guerres de coalition en Irak, en Afghanistan, en Lybie (2) et de nouveau cette année en Irak. Au Mali, les soldats français ont fait la guerre de la France, selon des objectifs précis qu’ils ont pu atteindre grâce aux excellentes capacités de notre armée et par leur courage personnel. Regardée à la télévision, cette épopée ressemblait à une promenade militaire. Illusion ! Jean-Christophe Notin, qui a recueilli les témoignages de très nombreux acteurs, nous fait vivre une opération complexe se déroulant dans une situation politique fort compliquée.

Grand comme la France et l’Espagne réunies, le Mali subit en même temps une crise de régime, la violence de la subversion islamiste et l’insurrection des Touaregs. Ces problèmes, tous urgents, suscitent le faible intérêt des Etats-Unis et l’indifférence polie de l’Union européenne : nos aimables alliés estiment que c’est à la France d’agir et c’est bien notre pays que les Maliens appellent au secours.

Revenus depuis peu aux affaires, les dirigeants socialistes cultivent des bribes idéologiques qui nourrissent leurs réticences. Jean-Yves Le Drian croit dur comme fer en une fiction nommée Europe de la Défense. François Hollande redoute les procès en colonialisme qui troubleraient sa conscience de gauche et il fixe la ligne officielle : c’est aux Africains de régler les problèmes africains et pas un soldat français ne foulera le sol du Mali…  L’intervention française n’a pas été préparée en catimini par les autorités politiques : c’est l’attaque lancée par les djihadistes dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013 qui les pousse à réagir.

Nous gardons le souvenir d’une ruée djihadiste et d’une réplique foudroyante de nos soldats. Jean-Christophe Notin met les choses au point. Le tableau qui décrit les centaines de véhicules descendant vers le sud malien « est à la fois partiellement erroné et terriblement réducteur » mais l’offensive des groupes djihadistes contre l’armée régulière malienne – elle n’aurait pas eu lieu si la France avait immédiatement marqué sa détermination – est suffisamment inquiétante pour justifier la guerre.

Lorsque François Hollande se décide enfin, il trouve une armée qui a déjà planifié son engagement sur le théâtre malien et qui est prête à remplir les missions qui lui sont assignées. Le président de la République se révèle alors bon chef des Armées. Lors de la guerre de Lybie, Nicolas Sarkozy était resté dans le flou stratégique jusqu’au moment où la chute du régime et l’élimination de Kadhafi avait été décidées sans qu’on se préoccupe sérieusement de la reconstruction d’un Etat. Au contraire, François Hollande donne trois objectifs au chef d’état-major des armées: « stoppez l’ennemi », « aidez le gouvernement malien à reconquérir le pays », « détruisez les terroristes ». Au ministère de la Défense, Jean-Yves Le Drian se révèle à la hauteur de ses responsabilités tandis que Laurent Fabius, marginalisé, se fait seulement remarquer par ses gaffes.

Cependant, il y a lieu de s’interroger sur le mot d’ordre de la « guerre contre le terrorisme » qui implique l’éradication de criminels alors que la guerre contre des insurgés laisse ouverte la possibilité d’une négociation politique en vue de la paix. De plus, la dénonciation des terroristes islamistes laisse entendre que les causes de la crise sont toutes extérieures au Mali alors que la révolte des Touaregs et la radicalisation de certains maliens relèvent de la politique intérieure.

Cela dit, les dirigeants politiques établissent une bonne coordination avec les chefs militaires qui ont, sur le terrain, pleine liberté d’initiative dans le cadre des objectifs assignés. Le déroulement de l’opération est en lui-même passionnant. Tous nos armements ont été utilisés et toutes sortes d’unités ont été engagées dans un mouvement cohérent et remarquablement efficace. Avec Jean-Christophe Notin, à Gao, à Tombouctou, dans l’Adrar,  on suit jour après jour et parfois heure par heure les actions menées par la DGSE, par le Commandement des Opérations Spéciales, par les pilotes des hélicoptères et des chasseurs, le travail d’écoute et de repérage, le largage des parachutistes, les bombardements, les combats rapprochés… Les moyens techniques déployés sont impressionnants. Ils ne font jamais oublier que ce sont des hommes qui ont gagné cette guerre, en mobilisant toutes leurs forces physiques et mentales.

L’opération Serval ne s’est pas terminée par une victoire totale – la menace djihadiste subsiste – mais elle constitue un indéniable succès militaire aux répercussions politiques positives. On aurait tort, cependant, de se perdre en congratulations. Notre guerre au Mali montre que la France peut jouer un rôle important en Afrique si ses dirigeants de gauche et de droite liquident leur complexe africain. Elle peut en même temps réaffirmer son rang dans le monde si elle dispose de sa propre puissance militaire. Cela suppose que nos soldats puissent s’entraîner constamment, disposer de moyens matériels conséquents et des techniques les plus pointues. On ne peut vouloir une armée prête au combat et la priver de crédits. Un soldat accepte de mourir pour la patrie. Il ne doit pas être sacrifié à un plan d’économies.

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(1)   Jean-Christophe Notin, La guerre de la France au Mali, Tallandier, 2014.

(2)   Cf. Jean-Christophe Notin, La vérité sur notre guerre en Lybie, Fayard, 2012 et notre article dans « Royaliste » n° 1024.

Article publié dans le numéro 1062 de « Royaliste » – 2014

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