Défendons la Constitution

Nov 12, 2007 | Res Publica

 

Faut-il prendre le temps d’examiner dans le détail les 77 propositions faites par le comité chargé, sous la direction d’Edouard Balladur, de la « modernisation » et du « rééquilibrage » de nos institutions ?

Non.

Le rapport publié fin octobre n’est pas le fruit d’une libre réflexion : la ligne générale et les principales propositions avaient été énoncées par Nicolas Sarkozy au cours de sa campagne et lors du discours qu’il a prononcé à Epinal, le 12 juillet. Avec la complicité de Jack Lang, le comité Balladur s’est soumis aux injonctions présidentielles, masquant comme il se doit sa servilité par des artifices de présentation, des figures de style et des embellissements de la façade juridique. Au vu de cet exercice de cour, comment prendre au sérieux les nouveaux droits annoncés pour les citoyens et les parlementaires ?

Même le président du groupe UMP de l’Assemblée nationale se rebelle contre Nicolas Sarkozy : il refuse l’introduction de la proportionnelle pour les élections législatives ; il refuse la limitation du recours à l’article 49-3 ; il refuse l’interdiction du cumul des mandats ; il refuse la limitation du rôle du Premier ministre. Comme il n’est pas le seul parlementaire de la majorité à manifester, pour de bonnes et de mauvaises raisons, son opposition à ces réformes, comme la gauche est hostile à la révision de la Constitution, la majorité des trois cinquièmes ne pourra pas être atteinte lors de la réunion du Congrès.

A ce propos, il faut souligner que Nicolas Sarkozy, qui affirme vouloir développer la démocratie, n’a pas même pas envisagé que la révision de la Constitution soit soumise au référendum. Comme la voie parlementaire est également choisie pour la ratification du traité de Lisbonne, il est probable que la procédure du référendum va tomber en désuétude, au mépris du principe de la souveraineté populaire.

Nous avons par ailleurs remarqué, pendant les discussions du Comité Balladur, que Nicolas Sarkozy violait le principe juridique et la symbolique de l’arbitrage en se rendant au siège du parti majoritaire pour y animer une réunion. François Mitterrand et Jacques Chirac affirmaient au moins leur intention d’être « le président de tous les français ». Nicolas Sarkozy est, délibérément, le président de l’UMP.

Il n’est pas que cela : ministre de l’Intérieur, ministre de la Justice, des Affaires sociales et de l’Environnement par divers truchements, il remplit les fonctions du Premier ministre et voudrait que cette usurpation soit entérinée par le Parlement. Le Comité Balladur s’est là encore soumis à la volonté de l’autocrate, au prétexte que le droit doit être mis en accord avec le fait. Cet argument paresseux procède du « bon sens » générateur d’effets désastreux.

Désastre théorique : il est parfaitement contradictoire de proclamer la restauration des droits du Parlement et la prééminence du président de la République.

Désastres pratiques :

–  inscrire dans la Constitution que le président de la République « définit la politique de la Nation » et que le Premier ministre la « conduit » seulement (1), c’est sortir de la logique de distinction des pouvoirs au sein de l’exécutif et créer une situation de conflit insoluble – en période de cohabitation comme dans tous les cas où s’exacerbe la rivalité entre un président et un Premier ministre (François Mitterrand et Michel Rocard…) de même tendance politique.

–  le droit reconnu au président de la République de s’exprimer devant le Parlement, au mépris du principe de séparation des pouvoirs, inciterait les députés et les sénateurs conviés au débat sur la déclaration du chef de l’Etat à mettre en jeu sa responsabilité, malgré les précautions prises, par adresse en réponse au discours présidentiel ou tout autre procédé.

Défendons, en attendant de l’améliorer, la Constitution de la 5ème République !

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(1) « Le Premier ministre détermine et conduit la politique de la Nation » (article 20).

Article publié dans le numéro 913 de « Royaliste » – 12 novembre 2007

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