L’ascension politique d’Édouard Balladur parait irrésistible. Mais la route de l’Élysée est minée d’un bout à l’autre.

La question n’est plus de savoir si le Premier ministre sera candidat à la présidence de la République, mais s’il parviendra à ses fins. En effet, même si le conseiller de Jacques Chirac (Pierre Lellouche en l’occurrence) assure que la question de la candidature sera tranchée ultérieurement, il reconnaît que la question existe et que Jacques Chirac n’est plus le candidat naturel de la droite. Quant au candidat virtuel, il répète que son action se situe dans les cinq ans à venir et a organisé autour de lui une équipe de campagne : comme les sondages sont globalement favorables au Premier ministre, la route de l’Elysée semble devenir un vaste boulevard.

Mais la vie politique ressemble rarement à un itinéraire balisé (n’est-ce pas Michel Rocard ?) et le Premier ministre a devant lui des obstacles redoutables à surmonter.

Le principal obstacle, c’est le temps. Si l’élection présidentielle avait lieu en janvier 1994, M. Balladur serait élu haut la main. Mais, tout au long des dix-huit mois de pré-campagne et de campagne, la popularité du Premier ministre risque de s’éroder fortement, ou de disparaître. Encore une fois, les mirifiques sondages, qui ne sont pas scientifiques pour un sou, donnent de l’opinion publique un instantané flou. En outre, ceux qui « caracolent en tête des sondages », comme Raymond Barre avant 1988, arrivent rarement les premiers – même dans leur propre camp – lors de la consultation réelle.

Vient en effet s’ajouter un second obstacle, qui grandit de mois en mois et qui n’est autre que la politique économique et sociale du gouvernement. Même si la situation est complexe, même si la gauche avait précédemment échoué, l’opinion publique risque de faire un constat très simple : le gouvernement a fait d’énormes cadeaux au patronat, mais les entreprises continuent à licencier. Même si le « frémissement » de la reprise se confirme dans les mois à venir, les effets seront longs à se faire sentir. Du coup, le rassurant Balladur pourrait être accusé d’incapacité.

Les autres obstacles sont de moindre importance. Mais ajoutés les uns aux autres, ils peuvent faire trébucher le candidat à la candidature. Il y a Jacques Chirac en personne, qui va se mobiliser d’autant plus que cette campagne présidentielle est pour lui la dernière occasion d’être président de la République. Il y a l’appareil du RPR, que M. Balladur ne contrôle pas, et qui peut (qui devrait logiquement) plébisciter le maire de Paris. Il y a Charles Pasqua, avec son sac d’embrouilles, et peut-être même Philippe Séguin. Il y a les alliés-rivaux de l’UDF, qui sont actuellement marginalisés dans la course à l’Élysée, mais qui n’ont pas perdu leur capacité de nuire…

Et puis il y a l’inattendu, qui seul arrive, et que M. Balladur, homme de cabinet, redoute plus que tout.

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Article publié dans le numéro 611 de « Royaliste » – 13 décembre 1993.

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