Ainsi, Nicolas Baverez, l’éminente plume du Figaro, nous menace d’une mise sous tutelle internationale faute d’austérité suffisante.

Ainsi, Bruno Retailleau nous menace d’une “mexicanisation”, si nous ne nous mobilisons pas contre les narcotrafiquants.

Avec ces gens-là, l’autorité se réduit toujours à une panoplie de menaces assorties de sanctions qui tombent du ciel (financier) ou qui montent des bas-fonds. Ces donneurs de leçons fustigent le goût de la paresse et l’esprit de jouissance de tout un peuple qu’ils humilient alors que la nation continue de s’appuyer sur des points de résistance tenus par d’innombrables citoyens.

A Royaliste, nous analysons régulièrement toutes les crises qui nous affectent mais ce n’est pas notre seul horizon. A l’opposé de tout déclinisme, nous ne perdons pas de vue nos capacités, certes méprisées, abîmées, mal employées, mais qui demeurent mobilisées ou mobilisables.

L’Etat continue de jouer son rôle dans la protection et l’organisation de la société. La mobilisation des trois fonctions publiques pendant la crise sanitaire fut exemplaire, de même que les services rendus par de très nombreux fonctionnaires pendant les Jeux olympiques. Face à la pandémie, l’impératif de solidarité nationale s’est imposé comme une évidence. Pour les Jeux, c’est la fierté nationale qui a permis de surmonter les embarras personnels et la fatigue.

La démocratie parlementaire est acceptée et défendue par l’ensemble des formations politiques – ce qui n’était pas le cas au siècle dernier – et c’est seulement son mode de fonctionnement qui fait débat.

Les communes, de la plus petite à la plus grande, sont les lieux vivants de la démocratie, de l’approche immédiate et concrète des enjeux politiques et, pour les nouveaux venus, de l’intégration progressive à la vie nationale.

Les syndicats ont démenti un bon demi-siècle de prévisions pessimistes. Ils constituent la seule force capable de réunir des millions de manifestants dans les rues, la seule force capable de contenir la violence par leur capacité de médiation.

Les petites entreprises industrielles, agricoles et commerciales, exposées aux grands prédateurs capitalistes, continuent d’animer les villes et les quartiers et de maintenir un indispensable lien entre les citadins, surtout les plus isolés.

Les Français participent aux grandes évolutions sociales et sociétales et Jérôme Fourquet a pointé les changements dans les manières de penser et de vivre. Là encore, il faut se garder des généralisations désabusées. Aussi spectaculaire soit-elle, l’américanisation reste un phénomène de surface. Les Français ne cessent de plébisciter la France, son histoire, ses paysages, ses monuments. En regardant vivre un village des Corbières, un port de pêche breton, une petite ville du centre de la France, on s’aperçoit que les anciennes formes de sociabilité n’ont pas disparu, ou qu’elles se retrouvent à l’occasion des vacances. Au fil des conversations, on observe depuis vingt ans un vif regret de la grandeur française et surtout une volonté de comprendre tout à la fois les causes des crises et l’inertie de la classe dirigeante.

Nous l’avons souvent dit : alors que les dirigeants estiment que “les gens ne comprennent pas” le monde dans lequel ils vivent, c’est la lucidité d’innombrables citoyens qui est frappante. C’est cette lucidité qui conduit les Gilets jaunes et les syndicats unis contre la réforme des retraites à descendre massivement dans la rue. Elle provient du comportement indécent des élites, pour tout le personnel qui en est témoin. Elle naît et renaît, dans le travail quotidien, d’une expérience cuisante des méthodes du capitalisme et de son mépris du droit social. Malgré les messages d’intimidation qui émanent des “experts”, malgré l’extrême diversité des sources d’information, elle se conforte par les connaissances acquises en consultant sur Internet les sites d’économie, de philosophie, d’histoire.

Dernier point de résistance, qui nous est familier : la puissance du courant critique, hétérodoxe, qui contraste avec l’extrême faiblesse des mouvements qui prétendent l’organiser.

Est-il besoin de souligner le profond décalage des partis qui ont renoncé depuis des décennies à tout travail de formation politique, et le décalage non moins évident des chaînes de télévision en continu, moins soucieuses d’information que de communication axée sur les rentrées publicitaires ? La classe dirigeante vit quant à elle dans la totale méconnaissance du pays qu’elle prétend gérer selon les indications que lui donnent les statistiques et les sondages qu’elle a sélectionnés. Avec de grands mots et des formules préfabriquées, elle projette sur la société française sa propre impuissance que les mesures de restriction budgétaire vont accroître.

Le budget de la nation devrait avoir pour objectif le renforcement de tous les points de résistance, assorti de l’élimination des organismes et des pratiques qui contredisent cet objectif. Mais, pour réaliser cette œuvre salutaire, il faudrait penser, avec De Gaulle, que le capitalisme est une “infirmité morale”…

***

1/ Cf. “La France plébiscitée”, éditorial de notre numéro 1262.

Editorial du numéro 1287 de « Royaliste » – 4 novembre 2024

Partagez

0 commentaires