Annoncée par François Hollande lors de la réunion du Congrès, le projet de révision constitutionnelle a suivi un chemin tortueux et suscite un débat aussi passionné que confus. Essayons de faire un premier point.
Faut-il parler des raisons d’une révision ou de la déraison de celle-ci ? A Versailles le 16 novembre, le président de la République avait annoncé la constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de la nationalité pour certains Français. Rigoureuses ou passionnées, les réactions sur la question de la déchéance firent vaciller François Hollande. Christiane Taubira, oubliant qu’elle était Garde des sceaux ou qu’elle se trouvait à l’étranger – peut-être les deux – annonça à la radio algérienne que le texte sur la déchéance était abandonné. Démentie le lendemain en Conseil des ministres, Christiane Taubira oublia de démissionner mais on oublia bien vite le ministre de la Justice pour se concentrer sur la déchéance. Ce faisant, on laissa de côté la question de l’état d’urgence ce qui est dommage car son application a donné lieu à des excès de zèle sur lesquels il faudra s’interroger.
Malgré les efforts d’esprits éclairés (1), le débat a été obscurci par le gouvernement qui a présenté un premier texte puis un second, tous deux très discuté par des dirigeants politique qui sont parfois fort ignorants du droit français. Il faut donc rappeler le décret-loi signé par Edouard Daladier (un homme de gauche !) repris par la loi du 22 juillet 1993 selon laquelle «Le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’Etat, avoir perdu la qualité de Français. » (Article 23-7). La même loi stipule à l’article 25 que l’individu coupable de crimes et de délits précisément énumérés – dont le terrorisme – peut être déchu de la nationalité française acquise depuis moins de quinze ans.
Dès lors, pourquoi constitutionnaliser une déchéance de nationalité qui figure dans la loi ? Le Premier ministre déclare lui-même que le projet gouvernemental est sans efficacité dans la lutte contre le terrorisme. Il s’agirait d’un texte « symbolique » mais c’est tout le contraire d’un symbole (ce qui unit) que d’établir dans la Constitution une distinction entre deux catégories de citoyens nés français – elle existe dans la loi et cela suffit – et de prévoir la déchéance de nationalité des personnes condamnées « pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation » ce qui est dangereusement flou.
On commence à dire, ici et là, que François Hollande utilise la révision constitutionnelle pour piéger la droite et pour infliger une nouvelle défaite à la gauche radicale afin de déblayer le terrain pour l’élection de 2017. Ce serait jouer aux boules sur un champ de mines.
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(1) Hommage à Laurent de Boissieu qui clarifie le débat sur son blog http://www.ipolitique.fr/
Article publié dans le numéro 1091 de « Royaliste » – 29 décembre 2015
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