Déflation : Un choix désastreux

Juin 15, 2009 | Economie politique

 

Plusieurs déclarations le prouvent : les oligarques font maintenant le pari de la déflation. Ce fut le choix de Pierre Laval en 1935, qui eut des conséquences désastreuses. En France, en Europe, les salariés et les économies nationales seront à nouveau les victimes de cette imbécillité.

C’est Jean-Claude Trichet qui a déclenché le déconomètre public. C’était le 26 février dernier à Dublin qu’en termes doucereux les choses furent dites : il faut « mener des politiques courageuses de modération des dépenses, s’agissant en particulier des salaires. La prudence budgétaire ne devrait pas se relâcher ». De manière plus technique, une étude de la Banque centrale européenne de novembre 2008 préconisait « un degré élevé de flexibilité à la baisse des salaires et des prix, qui faciliterait l’ajustement des marchés nationaux du travail aux chocs économiques, ainsi que l’allocation efficiente du facteur travail et des autres ressources ». Autrement dit : il faut réduire les salaires et faire baisser les prix pour concurrencer plus efficacement les pays qui ont des salaires faibles et de bas prix. C’est logique en système ultra-concurrentiel ! Personne, à Francfort et à Bruxelles, ne songe à envisager l’hypothèse salvatrice d’une protection souple de l’Union européenne…

De son côté, Dominique Strauss-Kahn mène pour le compte du FMI une opération conjointe en vue de contraindre plusieurs pays européens à la déflation. A Paris, les dévots de « Dominique » se sont bien gardés de souligner l’efficacité de leur patron qui a contraint trois pays à pratiquer une politique déflationniste en échange des subsides de son organisation : les salaires des fonctionnaires ont été diminués de 15% en Lettonie, de 8% en Hongrie, de 7% en Irlande.

Et voici, maintenant, que deux oligarques en vue se prononcent à leur tout pour la déflation.

Mon premier appartient à la droite dure : c’est Brice Hortefeux qu’il se nomme. Si la diminution des salaires « peut permettre de préserver l’avenir de l’entreprise, ça ne me choque pas », a-t-il déclaré, ajoutant que « en période de crise, l’effort doit être partagé ». Et d’évoquer la préservation de cinq à dix mille emplois.

Mon second appartient à la gauche molle : François Hollande s’y est identifié depuis des années. Cet oligarque de gauche est lui aussi partisan de la déflation : « Quand il y a une crise, chacun peut admettre que l’emploi est en jeu, chacun peut admettre de faire des efforts, s’ils sont partagés et s’ils ont des contreparties pour l’avenir ».

Et les deux compères d’évoquer de nécessaires « contreparties », selon la bonne vieille technique du fumigène qui masque les troupiers à l’offensive.

Ce programme commun de l’oligarchie aurait dû faire scandale et le Parti socialiste aurait dû fustiger publiquement son ancien patron. Personne dans la classe dirigeante ne s’est ému, alors que ces sommités ont appris pendant leurs études que la politique de déflation décidée par Pierre Laval en 1935 (diminution de 10% du traitement des fonctionnaires, baisses de prix, réduction des dépenses publiques) avait eu des effets à tous égards désastreux pour l’économie française.

Va-t-on prétendre qu’on ne peut tirer d’une seule expérience une leçon générale d’échec ? On sera alors démenti par l’observation directe. Qu’il s’agisse du secteur public ou du privé, les réductions de salaires peuvent effectivement sauver des emplois dans des entreprises mais c’est là une vision à courte vue. Les salariés appauvris réduiront leurs dépenses, le niveau de la demande globale diminuera et les entreprises trouveront encore moins d’acheteurs pour leurs produits. Elles décideront donc de licencier et le chômage qu’on voulait éviter frappera encore plus durement.

Trichet et Hortefeux, qui sont de droite, MM. Strauss-Kahn et Hollande, qui s’affirment de gauche, feraient bien de rouvrir leurs manuels d’histoire de l’économie pour se rafraîchir la mémoire et éviter que la crise ne s’aggrave.

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N.B. Keynes écrivait : « l’effet d’une attente d’une baisse des salaires de par exemple 2% au cours des prochaines années sera à peu près équivalent à celui d’une augmentation de 2% du montant des intérêts à payer pour la même période. ». La baisse des salaires augmente donc l’endettement des ménages. Voir l’article de Paul Krugman : « Le symptôme de la déflation salariale », 4 mai 2009, sur le site Contre-info.info.

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Article publié dans le numéro 950 de « Royaliste » – 15 juin 2009

 

 

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