Pourquoi un tel dossier ? Parce que, à mon avis, on ne peut comprendre les crises actuelles (environnementale, climatique, ressources, famines, etc.) sans avoir une bonne compréhension de ce qui les alimente depuis le début du XXème siècle : la croissance de la population humaine.
Pour l’essentiel, mes connaissances viennent de la lecture (passionnée, je dois dire) des numéros de la revue « Population et Sociétés » de l’INED, Institut National d’Etudes Démographiques, numéros qui traitent de toutes les questions de démographie et qui sont disponibles gratuitement sur le web à l’adresse : https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/ . Le rédacteur-en-chef de cette revue est d’ailleurs connu de la NAR : il s’agit de M. Gilles Pison, directeur de recherches de l’INED, qui nous a fait l’honneur de prononcer une conférence tout à fait remarquable sur la démographie aux Mercredis de la NAR (un compte-rendu en est donné dans le numéro 1092), conférence qui avait eu entre autres le grand mérite de remettre en cause un certain nombre d’idées reçues.
Mes hypothèses et analyses, pour leur part, proviennent d’une part de mes lectures sur l’évolution de certaines populations dont principalement la population de la France, mais aussi de mes activités professionnelles, qui ont souvent concerné les populations animales (surtout les poissons) et leurs dynamiques. Je sais, je sais : comparer l’homme et l’animal, c’est mal. Mais je suis convaincu que nombre d’évolutions, ou du moins un grand nombre de causes des brusques changements dans ces dynamiques, sont communes à toutes les espèces animales, et qu’il est de première importance de dégager chez l’homme ce qui lui est propre en tant qu’unique espèce pensante de la planète, de ce qui est commun au règne animal tout entier. J’en reparlerai. Mais si je le signale tout de suite, c’est parce que je ne peux pas non plus garantir que mes analyses ne soient pas biaisées par cette vision en partie « zoomorphique » sur notre espèce.
UN PREMIER RAPPEL : LES FAITS ET CHIFFRES DE L’EVOLUTION DE LA POPULATION MONDIALE.
Première étape : 1960-2000 et le Club de Rome
Je reprends les propos de Gilles Pison lors de sa conférence : « On estime qu’il y a 2000 ans, nous étions peut-être 250 millions d’habitants. Au cours des millénaires suivants, la population a augmenté lentement. À la fin du XVIIIe siècle, on approchait du milliard d’habitants sur la planète. Puis, une fois le seuil franchi, on voit une accélération rapide : deux milliards sont atteints en 1927, trois milliards en 1960, cinq milliards en 1974. Les démographes prévoient huit milliards en 2023. À l’échelle mondiale, chaque quatre secondes, il naît en moyenne quatre à cinq bébés et deux personnes quittent la Terre. Le taux d’accroissement annuel est alors d’un peu plus de 1 {9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} par an. Cela correspond à un doublement de la population tous les soixante ans ».
Les chiffres sont les chiffres, ils sont réels (ni inventés ni déformés), évidemment vrais, et les augmentations de population ont été apparemment conformes au modèle qui prévoit un doublement toutes les unités de temps (60 ans pour Gilles Pison à la lumière des données jusqu’en 2015). Donc un modèle de croissance exponentiel. C’est à partir de cette observation d’un doublement régulier de la population, que le thème de la démographie « galopante » de l’humanité a surgi. L’un des moments clés dans le développement de ce thème et de ses conséquences a été celui de la création du Club de Rome (CR) en 1968. Je vous donne dans la figure suivante tirée du premier rapport du CR l’information de base sur laquelle toute sa réflexion s’est appuyée : l’évolution de la population et sa projection jusqu’en 2000 (donc une prospective de 30 ans à partir des années 70, date de rédaction du rapport). Vous pourrez noter d’ailleurs que le CR donnait un doublement de population tous les 30 ans, et non tous les 60 comme le note G. Pison. On peut trouver le rapport du Club de Rome sur le web (« The limits of growth » en version anglaise, et des traductions partielles en français sous le titre « Halte à la croissance ? »). Il faut le lire car l’influence du CR a été très forte durant les années 70-90 : une bonne partie des idées des mouvements de 1968, puis du mouvement hippy en Amérique en proviennent, sans parler de certaines idées encore en cours dans les mouvements écologistes.
Voilà donc la base de la réflexion quand le problème de la « surpopulation » s’est fait jour dans les médias, et jusqu’aux années 2000 : une population qui double tous les 30 ou 60 ans, chiffres correspondant à la courbe d’évolution établie par les démographes de la planète.
A partir de là, les choses se sont emballées. Et je ne parle pas de la population. Plusieurs personnalités connues ont pris des positions extrêmes, comme René Dumont lors de sa campagne pour les présidentielles de 1974 ; ou J.-Y. Cousteau, qui n’hésitait pas à écrire dans Le Courrier de l’Unesco en novembre 1991 : « C’est une chose terrible à dire. Mais pour stabiliser la population mondiale, nous devons éliminer 350.000 personnes par jour. C’est une chose horrible à dire, mais ne rien dire l’est encore plus ». Nous allions vers l’apocalypse, car avec un tel modèle exponentiel, la catastrophe démographique était inéluctable. AVEC CE MODELE, en effet… Je vous joins la figure ci-dessous, qui montre les résultats d’une application (jusqu’en 1072) et simulation (de 1972 à 2100) par le CR qui en a fait tourner toute une série en faisant varier les paramètres (mais pas le principe).
Les principales courbes ont été soulignées : la ligne grasse continue (P) représente la population, la ligne mince (F) la ration alimentaire par personne, la ligne en tirets (I) la production industrielle par personne, la ligne en pointillés (X) la pollution, la ligne en tirets et points (R) les ressources, et les lignes de D la mortalité, de B la natalité, de S les services. On voit bien qu’arrive un moment où quoi qu’on y fasse, les besoins de la population (et ses effets sur l’environnement) ne peuvent plus être satisfaits par le milieu. Dans toutes les moutures du modèle que le CR a fait tourner en faisant varier les valeurs de ressources, pollution, etc., les simulations sont arrivées au même résultat : tôt ou tard, un effondrement catastrophique de la population humaine. On trouve les descriptions de ces différentes simulations dans son rapport, je vous en fais grâce.
C’est aussi à cette époque, les années 60, que l’on a commencé à parler de « surpopulation ». Voilà aussi quelque chose d’important. A l’heure actuelle, on parle de « surpopulation » sans rien préciser : c’est devenu une vérité absolue. Mais en fait, on ne trouve aucune vraie réflexion autour de ce mot par les premiers qui l’ont utilisé. Or Wikipedia nous dit : « La surpopulation est un état démographique caractérisé par le fait que le nombre d’individus d’une espèce vivante excède la capacité de charge de son habitat ». Très juste. La question maintenant, c’est : quelle est la capacité de charge de l’habitat terrestre pour l’humanité ? J’en reparlerai plus loin.
J’ai présenté une petite description du modèle de croissance exponentielle, celui utilisé par le CR, et par nombre d’écologistes de nos jours, dans ma critique du livre de Paul Jorion « Le dernier qui sort éteint les lumières », qui est publiée sur le blog de Bertrand Renouvin, je vous y renvoie. Mais pour les flemmards, en voici un bref résumé.
Le principe de la croissance exponentielle est très difficile à appréhender intuitivement : notre cerveau n’est pas fait pour ça, car elle commence très lentement, comme une croissance linéaire, celle que nous pouvons concevoir sans problème ; mais arrivée à son point d’inflexion, elle « explose ». Le nombre d’histoires-devinettes pièges qui jouent sur ce concept est immense. La plus fameuse est celle du vizir qui, en remerciement de ses services demande à son calife de poser un grain de blé sur la première case d’un échiquier, deux sur la seconde, 4 sur la suivante, puis 8, 16, 32, etc., bref une augmentation en croissance géométrique (ou exponentielle). Cela démarre donc doucement, mais après une dizaine de cases tout change, et à la 64ème case le calife devrait déposer 800 milliards de tonnes de blé sur l’échiquier, ce qui représente plus de mille ans de production mondiale.
Une croissance exponentielle est par nature ingérable, et impossible à se prolonger si elle se déroule dans un milieu fini, ou fermé, comme c’est le cas de notre planète. Et si c’est bien ce type de croissance qui caractérise notre démographie, alors le CR a raison et l’apocalypse est inéluctable. D’ailleurs il ne faut pas rejeter les calculs du CR. Quand on regarde leurs simulations, on voit que jusque vers les années 2000-2010 leurs simulations sur la démographie, les ressources, la pollution etc. ressemblent diablement aux courbes réelles. Diablement, mais pas exactement.
Deuxième étape : la période actuelle (post-2000)
A partir des années 90 la courbe d’accroissement démographique dévie du modèle exponentiel. Très discrètement au début, mais au milieu des années 2000 le doute n’était plus permis : l’augmentation de la population n’était pas exponentielle. J’ai rassemblé sur la figure ci-dessous et aux mêmes échelles de temps et de population, la courbe du modèle du CR (en rouge, et dans l’encadré) et la courbe des observations jusqu’en 2010, suivie des projections du nouveau modèle des démographes, la « transition démographique » jusqu’en 2100.
La croissance n’est donc pas exponentielle. Il y a eu une erreur d’interprétation due à deux raisons. La première, c’est qu’il est pratiquement impossible de différencier les courbes naissantes. Ce n’est que quand la courbe exponentielle démarre sa montée que cela devient possible. La deuxième, qui explique pourquoi c’est la courbe finalement la plus improbable (biologiquement et écologiquement parlant) qui a été choisie, c’est le poids de trois chercheurs anglais du XIXème siècle, Malthus, Smith et Darwin, qui ont fondé leurs théories sur une telle courbe. Je renvoie à ma critique du livre de Paul Jorion où je propose cette explication.
Quoi qu’il en soit, la théorie de la croissance exponentielle malthusienne ne tenant plus, les démographes ont conçu un nouveau modèle, celui de la « transition démographique ». Je vous joins une figure, ci-dessous, qui présente ce modèle.
Le modèle est fondé sur des prémisses totalement différentes de celles de la croissance exponentielle (et bien plus biologiques) : alors que le modèle malthusien s’appuie sur une natalité constante et au maximum des capacités génésiques de l’espèce, quel que soit l’état du milieu, le modèle de transition se fonde sur l’idée que la tendance naturelle d’une population animale est l’équilibre avec son milieu. Autrement dit, l’espèce tend à se développer et croître tant que les ressources, la « capacité de charge » du milieu, le permettent. Une fois arrivée à une occupation optimale du milieu, l’espèce stabilise sa progression en équilibrant ses taux de natalité et de mortalité. C’est ce que l’on voit sur la première partie de la courbe. Lorsque les conditions du milieu changent, pour une raison ou pour une autre, l’espèce entre dans une nouvelle phase, d’expansion ou de contraction, puisque le milieu favorise l’augmentation de la natalité ou de la mortalité. On entre dans une phase de transition (partie centrale de la courbe), jusqu’à un nouvel équilibre (à droite de la courbe). Cette figure présente le cas de l’espèce humaine, peu abondante au départ, puis présentant une croissance très importante à partir de la fin du XVIIIème siècle, et tendant à se stabiliser au XXIème siècle. L’accroissement actuel de la population est dû à un déséquilibre entre mortalité et natalité (diminution de la mortalité infantile), le rééquilibrage est dû à une baisse de fécondité (qui tend vers un peu plus de 2 enfants par couple, au lieu des 6 d’avant la transition).
Pour le moment le modèle de la transition démographique décrit très bien l’évolution des courbes démographiques mondiales. La figure ci-dessous montre les diverses évolutions possibles calculées par les démographes des Nations-Unies, et j’y ai ajouté la courbe du CR en comparaison.
Le consensus se fait sur l’option médiane, avec une stabilisation autour de 11 milliards d’habitants en 2100, ce qui devrait représenter le maximum. Par la suite, comme le dit Gilles Pison dans son petit livre de vulgarisation sur la démographie, les scientifiques n’ont plus d’hypothèse, et l’on ne sait si la courbe va reprendre sa course vers l’accroissement, rester stable ou baisser.
Bon, ça ce sont les démographes « humains » ; moi j’en ai une, d’hypothèse, fondée sur la démographie animale (oui, je sais) ; en soi elle n’a pas grande importance car d’ici 2100 il se passera bien des choses, donc pour le moment je vous en fais grâce (pour le moment). En revanche il est un point qui rapproche la démographie humaine des démographies animales, qui peut paraître paradoxal mais qui a été bien décrit par Gilles Pison : c’est « l’autonomie » des dynamiques des populations. Si l’on fait le bilan des résultats des politiques mondiales de planning familial, on ne peut que constater que, si elles ont un effet de « facilitateur » pour appuyer une tendance existante, elles n’ont aucun pouvoir pour changer les directions de ces tendances. En clair, si une population ne fait plus d’enfants ou si elle en fait trop, rien de ce que l’on pourra imposer comme méthode n’arrivera à inverser sa dynamique. Gilles Pison nous avait décrit le cas –le plus souvent cité- de la politique de l’enfant unique en Chine, et montré que cette politique était le fait d’une double cécité des dirigeants politiques chinois de l’époque : (1) alors qu’ils s’inquiétaient d’une augmentation forte de la population chinoise, ils ne se sont pas aperçus qu’en fait la natalité était déjà en plein effondrement, en Chine comme dans la plupart des pays de l’Asie du Sud-Est, même ceux où une telle politique n’était pas appliquée (le Japon, qui n’a jamais pratiqué la politique de l’enfant unique, est celui au monde où la population est la plus âgée et la natalité la plus faible) ; leur politique « dénataliste » n’avait aucun sens, et n’a servi à rien. Et (2) une vision prométhéenne du pouvoir de l’homme sur la nature, et même la nature humaine, qui incidemment a mené aux excès du grand bond en avant et de la Révolution Culturelle. A l’inverse, la volonté d’un Ceausescu en Roumanie de multiplier la natalité n’a servi à rien elle non plus, si ce n’est provoquer un bouleversement temporaire qui n’a fait qu’ajouter aux difficultés de ce pays. Il est tout à fait possible que les lois en France expliquent pourquoi notre natalité est légèrement supérieure à celles de nos voisins qui présentent pourtant les mêmes caractéristiques que nous ; mais en aucun cas elles ne peuvent changer les grandes tendances. Elles jouent aux marges. Et il faut absolument s’en convaincre : nous ne pouvons rien devant les grandes dynamiques mondiales en démographie, sauf tenter d’adapter nos sociétés pour qu’elles soient capables d’anticiper l’augmentation des populations, ou de mettre en œuvre des politiques d’accompagnement de leur vieillissement.
BILAN : OU EN SOMMES-NOUS ?
Le fait que la croissance de la population ne soit pas exponentielle est capital. En effet, dans le cas contraire, rien n’aurait pu empêcher l’explosion, la surpopulation, la famine et l’effondrement. Dans de telles conditions, un sauve-qui-peut général serait compréhensible, puisque de toute façon les ¾ de l’humanité auraient été condamnés à disparaître, sans qu’on y puisse rien. Rien de condamnable donc dans l’idée de chercher à sauver sa peau et celle des siens, quand il n’y a aucune solution globale. Mais ce n’est pas le cas : en principe la planète doit pouvoir alimenter onze milliards d’habitants, mais cela exige de la solidarité.
Je vous joins une figure, tirée de documents de la FAO, qui montre les évolutions de la population et la ration individuelle disponible. C’est le point capital : va-t-on pouvoir donner à manger à tous ? Il semble que oui, au moins jusqu’en 2040, année où les courbes se croisent : Notez aussi que cette projection s’est faite à l’époque où les démographes des Nations-Unies tablaient sur un maximum de 9 milliards d’habitants, alors qu’aujourd’hui les modèles nous donnent plutôt 11 milliards. Mais cela n’empêche pas ces courbes de nous montrer qu’en se serrant un peu et surtout en maintenant voire augmentant la productivité de la planète (c’est la grande question, on en reparlera), « ça devrait le faire ».
Reste à convaincre la société, et en particulier celle de nos pays développés, de cette vérité. Or le discours dominant n’est pas celui-là, et les modèles malthusiens ont encore une majorité de convaincus (à commencer par les Etats-Unis). Il faut peut-être se pencher sur cette question primordiale.
D’où vient cette théorie générale d’une espèce nécessairement invasive, à la croissance galopante, incapable de s’autoréguler, fondée sur des équations exponentielles ? Bien sûr il y a l’observation depuis un siècle d’une croissance effrénée de la population mondiale, qui « croît jusqu’à envahir entièrement son environnement. Un simple regard jeté en arrière sur le destin de notre espèce le confirme aisément : en un siècle, le chiffre de la population a été multiplié par quatre » (Paul Jorion). Mais si cela est vrai quand on ne regarde que le démarrage de la courbe et les chiffres bruts, nous venons de voir que ce ne l’est plus quand on considère la courbe sur le long terme et sa dynamique par rapport aux capacités de l’environnement.
Une autre raison concerne ce qui me semble être une confusion entre « explosion démographique » et « surpopulation ». Allez, je reviens à mes dadas : j’ai eu l’occasion d’étudier ces dynamiques démographiques explosives sur différentes populations animales, où en effet tout commence toujours par une surabondance énergétique mise à disposition de l’espèce par le milieu. Pour les animaux cette énergie correspond à une abondance alimentaire qui arrive au bon moment et sous la bonne forme, c’est-à-dire à l’instant critique de l’arrivée d’une nouvelle génération. Alors la mortalité larvaire et juvénile diminue considérablement, et tout ceci prend la forme d’une croissance démographique de type exponentiel tout à fait semblable au début de la courbe de Malthus. En règle générale, ces explosions démographiques sont très vite accompagnées de changements comportementaux menant à des baisses drastiques de la fécondité, qui font retourner l’espèce à son étiage au bout d’une ou de quelques générations. Ce qui se fait très vite, en fonction de la durée de vie des générations : quelques heures pour les bactéries, quelques semaines pour les insectes, quelques années chez les animaux supérieurs.
Dans les cas les plus critiques, on a affaire à un phénomène d’eutrophisation, c’est-à-dire à une croissance démographique lancée par l’abondance alimentaire, qui en effet aboutit, après une phase de surpopulation (c’est-à-dire de déséquilibre entre les besoins de la population et la production du milieu) à une mortalité massive suivie de l’empoisonnement de l’environnement par l’accumulation de déchets biologiques à un rythme interdisant toute épuration par l’écosystème, et donc à l’extinction de toute vie dans le milieu incriminé. C’est ce cas que prétend décrire le CR. Mais un tel phénomène impose quatre conditions : que le milieu soit confiné, que la productivité du milieu soit indépendante de l’espèce incriminée, que la disponibilité énergétique précède le développement démographique, et qu’elle se tarisse d’elle-même.
Ce cas est-il celui de l’humanité ? Non, chez notre espèce c’est une autre histoire, pour plusieurs raisons. En premier lieu, l’homme est directement producteur de cette énergie surabondante. Ce qui est reçu passivement et brutalement par les autres animaux (arrivée inopinée d’une surproduction alimentaire naturelle) est actif et progressif chez lui. Il a pu rendre peu à peu le milieu plus productif à son avantage. L’augmentation de la productivité permet une augmentation parallèle de la population sans aboutir à une « surpopulation », dynamique impensable dans le modèle malthusien. On peut d’ailleurs noter la coïncidence entre le point d’inflexion « malthusien » et l’arrivée de la révolution industrielle, qui a permis une augmentation colossale de la production. Ensuite si, comme chez les autres espèces, la mortalité infantile a diminué, ce n’est pas la seule : la natalité aussi, ainsi que la mortalité générale. Enfin l’espèce humaine se caractérise dans le règne animal par une grande longévité et une faible fécondité (les démographes donnent six enfants par couple comme moyenne historique avant la transition). Tout ceci fait que la phase de similitude entre la courbe de l’augmentation de population et celle du modèle exponentiel de Malthus s’étend sur plus d’un siècle. C’est ce qui explique la résistance surprenante des opinions « malthusiennes » comme celle d’un J.-Y. Cousteau, que j’ai citée plus haut. C’est seulement depuis une dizaine d’années que les dynamiques des populations humaines devient significativement des courbes malthusiennes : les scientifiques et les experts l’ont bien vu et pris en compte, pas les medias ni la population.
On voit donc bien que tout va dépendre maintenant de la productivité de la planète d’une part, de l’organisation mondiale de partage des richesses d’autre part. Deux domaines apparemment très différents, mais qui sont en fait liés par l’organisation actuelle de l’économie mondiale, fondée à la fois sur le saccage (donc sur une baisse de productivité annoncée) et sur l’égoïsme des économies « développées ». Donc sur l’exact contraire de ce qu’il faut mettre en œuvre…
François VILLEMONTEIX
Un écrit fascinant. Merci.
Hereusement, chez nous, meme si l’on considere le pays comme un milieu fermé (hereusement aussi ce n’est pas les cas), nous sommes loin de la surpopulation.
Malgré ça, nous avons mis tout en oeuvre pour que les courbes d’approvisionnement et d’évolution de la population se croissent… le saccage et l’égoisme en train de modéler la démographie d’un pays qui nage dans la surabondance…