A la différence des monarchies présidentielles, les monarchies royales contemporaines, démocratiques et parlementaires, ne connaissent pas les dérives autocratiques qu’on observe dans l’exercice du pouvoir ou dans les discours de campagne électorale.
Il n’y a pas eu de campagne présidentielle. L’affirmation paraît idiote, voire démente. Elle renvoie pourtant à la réalité des discours prononcés car tous les candidats ont fait des campagnes à l’anglaise : Outre-manche, le leader qui entraîne son parti vise le poste de Premier ministre et propose un programme législatif. En France, les principaux candidats font comme si, une fois l’élection passée, ils pouvaient agir de manière autocratique et décider la démolition du code du Travail ou la sortie de l’euro et la fermeture des frontières. Même Jean-Luc Mélenchon, ennemi juré de l’actuelle Constitution, déclarait peu avant le premier tour qu’il était prêt à gouverner, et c’est bien la fonction gouvernementale que Marine Le Pen et Emmanuel Macron déclaraient vouloir assumer en déployant leurs catalogues de promesses – impossibles à tenir quand la majorité présidentielle et la majorité parlementaire ne coïncident pas ou s’opposent.
Le fait est qu’il n’y a plus de monarchie présidentielle. Le général de Gaulle laissait le Premier ministre conduire la politique du gouvernement et les ministres pouvaient agir sans avoir sans cesse les conseillers de l’Elysée sur le dos. C’est avec Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand entre 1981 et 1986 que la pratique présidentialiste s’est installée, la fonction arbitrale étant assurée a minima. On sait que c’est le phénomène majoritaire qui rend possible le présidentialisme mais, contrairement à ce que croient certains conseillers de Jean-Luc Mélenchon, l’existence d’une majorité parlementaire n’est pas consubstantielle à la Vème République. Lorsqu’il y a cohabitation, le président se trouve renvoyé à sa fonction arbitrale qu’il assume plus ou moins, selon la vigueur de ses ambitions.
Nous avons dit cent fois que le quinquennat détruisait la fonction présidentielle et transformait le président en autocrate, voué à domestiquer le Premier ministre, à subjuguer les ministres et à dompter l’Assemblée nationale. Cette vision pyramidale est fragile : la « verticale du pouvoir » peut être brisée par un conflit entre le Président et le Premier ministre, par une division de la majorité parlementaire ou par une dissolution en cours de mandat qui briserait la concomitance entre élection présidentielle et élections législatives – ce que nous verrons peut-être lors du prochain quinquennat.
Lors des deux septennats de François Mitterrand, la monarchie élective et présidentielle était faiblement arbitrale et exposée au conflit entre les deux têtes de l’exécutif – qui a pris la tournure d’un affrontement haineux lorsque Michel Rocard était Premier ministre. Nous plaidions alors pour une « monarchie tempérée par le roi » parce que les monarchies royales européennes remplissaient pleinement la fonction symbolique – incarnation de l’unité de la nation dans la personne royale – et l’arbitrage politique en période de crise interne.
La version autocratique du quinquennat et sa version chaotique en cas d’absence de majorité parlementaire soulignent encore plus fortement les avantages de l’institution monarchique et royale dans la mesure où la fonction symbolique qui demeurait faiblement dans la Vème République giscardienne ou mitterrandienne a complètement disparu. Au lendemain de la campagne « présidentielle » française, remarquons ceci : dans les monarchies royales, les campagnes électorales ont pour enjeu le pouvoir gouvernemental, l’autorité incarnée dans le roi ou la reine reste en dehors de la compétition. En France, l’élection présidentielle, septennale ou quinquennale, fait peser le risque d’une prise de contrôle du pouvoir et de l’autorité suprême par le chef de parti et ses affidés. D’où des peurs paniques, quand le candidat est présenté comme un extrémiste (François Mitterrand en 1981) ou est effectivement extrémiste (Jean-Marie puis Marine Le Pen). Le bien public, c’est aussi l’apaisement dans l’esprit public.
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Article publié dans le numéro 1122 de « Royaliste » – 9 mai 2017
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