Les médias informent peu et mal sur l’Union européenne, en proie à de violents conflits. Encore une fois, on a retardé l’implosion.
La Banque centrale européenne engage 750 milliards contre la crise ! Epoustouflant. Et l’Eurogroupe y va de 500 milliards ! Épastrouillant. Sous l’apparente simplicité des injections massives de crédits, paraît un entrelacs de réactions tardives, confuses et insuffisantes, issues de conflits irrémédiables entre les Etats du Nord et ceux du Sud.
Tardive en effet, la réaction de Bruxelles. Le 13 mars, la Commission européenne a proposé un plan d’investissements de 37 milliards et le Parlement de Strasbourg a approuvé ce plan le 27 mars. Plan dérisoire, au regard de la crise sanitaire qui frappait l’Italie depuis le 21 février et qui avait gagné ses voisins dans les premiers jours de mars. Or le gouvernement italien avait débloqué 25 milliards pour le soutien à son économie dès le 11 mars avant d’engager par la suite plus de 300 milliards d’euros. Le 25 mars, le gouvernement allemand annonçait quant à lui un plan de soutien de 1 100 milliards.
Les principaux Etats se sont donc engagés dans des plans massifs sans se concerter et sans se soucier du Pacte de stabilité que la Commission, dépassée par les événements, a suspendu pour ne pas perdre la face. Certes, la Banque centrale européenne a annoncé le 18 mars qu’elle affectait 750 milliards à un programme d’achat de dette afin d’injecter des liquidités mais cette somme impressionnante ne permettra pas de juguler très longtemps la crise financière.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que le Conseil européen du 26 mars a souligné la division entre les nordistes et les sudistes. Alors que l’Italie et l’Espagne demandaient la mutualisation des dettes par le moyen d’eurobonds rebaptisés corona bonds, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande et les Pays-Bas ont rejeté cette proposition comme ils l’ont toujours fait et le Conseil européen s’est terminé sur un échec. L’Eurogroupe est alors entré en scène. Réunie le 7 avril, cette structure informelle qui réunit les ministres des Finances de la zone euro a été paralysée par le conflit entre les sudistes attachés aux corona bonds et les les nordistes menés par l’Allemagne. Agissant pour le compte de Berlin, les Pays-Bas exigeaient un financement par la voie du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui a pour eux l’avantage d’assortir l’octroi de crédits de contreparties austéritaires contrôlées par une Troïka. Ce dont les Italiens, qui assistent aux supplices de la Grèce, ne veulent pas entendre parler. La réunion du 7 avril fut un échec mais deux jours plus tard, les Espagnols et les Italiens ont accepté un compromis portant sur un plan de 500 milliards assorti de conditions réduites. En Italie, ce compromis a provoqué une grave crise au sein de la majorité et le président du Conseil, qui sait que les Italiens sont désormais en majorité hostile à Bruxelles et Berlin, laisse planer le doute sur sa signature lors du prochain Conseil européen. Quoi qu’il arrive, les fractures sont et resteront irréductibles.
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Article publié dans « Royaliste » – Avril 2020.
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