La forte participation au scrutin du 30 juin est venue infirmer la thèse d’une dépolitisation croissante du peuple français, dans une société archipélisée. Lorsqu’il y a un enjeu politique majeur, les citoyens se mobilisent selon des affinités qui continuent de s’inscrire dans le clivage entre la droite et la gauche. Provoquée par le comportement d’Emmanuel Macron, la dislocation du parti-entreprise qu’il avait formé marque l’échec du groupe central, clairement oligarchique, qui était censé permettre le renouveau de la vie politique nationale.
Les choix du premier tour ne se sont pas faits sur des programmes mais sur des imaginaires, d’ailleurs moins riches que ceux que les partis politiques déployaient au siècle dernier, et sur de forts mouvements de rejet. Ce constat n’est pas réprobateur mais la question des projets politiques qui pourraient être mis en œuvre après le 7 juillet reste entière. Dans leur grande majorité, les électeurs ont exprimé un fort désir de changement d’équipes et de perspectives, auquel le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire ne peuvent répondre que de manière très superficielle, par le recours aux techniques de la communication.
L’image de Jordan Bardella est un atout provisoire, comme celle de Gabriel Attal il y a quelques mois, mais celui qui pourrait être Premier ministre a d’ores et déjà soumis son programme économique et social au bon vouloir du patronat. Les propositions sociales de la gauche sont parfois appréciables, mais d’une confondante médiocrité au regard de l’œuvre du Front populaire et, surtout, de la révolution économique et sociale accomplie à la Libération par le gouvernement du général de Gaulle.
Nous avons déjà dit et nous devons répéter que le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire s’abusent et nous abusent lorsqu’ils font délibérément l’impasse sur le système de contraintes normatives constitué par la Banque centrale européenne et la Commission européenne. Ce système de contraintes n’a été ni expliqué, ni évoqué et encore moins dénoncé pendant la campagne pour les élections au Parlement de Strasbourg. Il n’a pas été mis en débat pendant la campagne des législatives alors que la “monnaie unique”, le libre-échange et la libre circulation des capitaux sont les causes directes de la désindustrialisation, des bas salaires, de l’endettement public, du déficit de notre commerce extérieur et de la menace que la spéculation internationale fait peser sur la France.
L’hypocrisie des états-majors partisans, qui “découvriront” les normes bruxelloises et les marchés financiers le 8 juillet et qui ont déjà accepté la tutelle américaine, conduit à une double impasse.
S’il obtient la majorité absolue à l’Assemblée nationale, le Rassemblement national sera immédiatement conduit à parachever sa capitulation économique et sociale et à confirmer sa volonté d’abandonner tout souci écologique. Il cherchera à compenser cette capitulation par la mise en œuvre de son programme xénophobe mais la suppression du droit du sol et la “préférence nationale” provoqueront des injustices, des désordres et des violences qui viendront aggraver la situation générale de notre pays.
Si les formations de droite et de gauche hostiles au Rassemblement national parviennent à s’entendre en écartant la France insoumise pour soutenir un gouvernement de coalition, l’idéologie et les allégeances oligarchiques continueront de provoquer des souffrances et des colères qui permettront la victoire de Marine Le Pen et de son parti en 2027.
Le rejet des orientations présentées par les dirigeants du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire, le refus de la xénophobie de l’extrême droite et du racialisme de la gauche dite “radicale”, ne nous conduisent pas à préconiser l’abstention. Partout où l’occasion se présente, nous pouvons choisir des personnalités de la droite étrangère au nationalisme identitaire ou de la gauche soucieuse de justice sociale, conscientes de l’impérieuse nécessité d’une remise en cause des diktats bruxellois. Il s’agit de discerner, au-delà des engagements partisans, les citoyennes et les citoyens qui pourraient participer, dans les années qui viennent, à la reconstruction de la France selon les principes qu’elle a forgés au cours de son histoire.
Les impasses que nous avons désignées ne condamnent pas notre pays à une alternance désespérée entre l’oligarchie et le populisme. Les principaux éléments d’un programme national de reconstruction ont déjà été exposés et sont largement débattus hors des grands médias. Il reste à trouver les citoyennes et les citoyens qui sauront le présenter au peuple français.
Le 1er juillet 2024
« Les propositions sociales de la gauche sont parfois appréciables, mais d’une confondante médiocrité au regard de l’œuvre du Front populaire »
Les mesures sociales votées par le Front populaire ont été arrachées par les grèves massives et autres manifestations des exploités et non à l’initiative des dirigeants de cette coalition. Nathalie Arthaud a eu parfaitement raison de le rappeler dernièrement, refusant d’apporter son soutien ainsi que celui de Lutte ouvrière au Nouveau Front populaire.
« nous pouvons choisir des personnalités de la droite étrangère au nationalisme identitaire ou de la gauche soucieuse de justice sociale, »
D’accord évidemment qu’il ne faut pas voter pour le R »N ». qui n’est d’ailleurs même pas identitaire puisque jacobin et purement arriviste.
En revanche, vouloir rester tel que l’on est, je ne vois pas où est le problème. Les peuples européens tout comme ceux d’Afrique et d’Asie ont le droit de conserver leur identité.
Nous sommes réellement dans une impasse car l’idéale position du « ni ni » revient en effet à rechercher les candidats réellement soucieux de mettre en place une politique d’immigration maîtrisée et contrôlée sans xénophobie et sans nationalisme identitaire, ainsi qu’une politique sécuritaire à la fois plus répressive et plus préventive en donnant les moyens nécessaires à la police, à la justice et à l’arsenal judiciaire dans le respect de l’état de droit, tout en mettant en oeuvre une politique sociale éprise de justice avec la volonté de se libérer des contraintes imposées par l’Union européenne néolibérale.
Le problème est que les candidats susceptibles de proposer cela sont quasi inexistants tant à droite qu’à gauche. Il faudra aussi s’interroger sur la pratique macroniste de la Vème république dans le cadre de la réforme du quinquennat et sur le mode de scrutin majoritaire qui nous conduisent à ces extrémités, en s’intéressant aux monarchies parlementaires européennes qui ont beaucoup à nous apprendre sur le maintien de l’unité nationale et la pratique d’une démocratie plus vivante et plus apaisée.