Droit du travail : Opération dynamite

Fév 24, 2016 | la lutte des classes

 

L’avant-projet de loi rédigé par Myriam El Khomri sous la dictée de Matignon met tout le monde d’accord sur un point : la gauche veut faire ce dont la droite rêvait. Le Medef est aux anges. Berlin aussi !

C’est bien sûr le duo Hollande-Valls, en charge de l’action gouvernementale depuis que la fonction présidentielle a été mise au rencart, qui doit être tenu pour responsable du dynamitage du code du travail. Utiliser comme leurre une femme portant de surcroît un nom et un prénom « maghrébins » n’est qu’une abjection supplémentaire, qu’on espère inconsciente.

Nous examinerons de manière détaillée le projet de loi lorsqu’il sera présenté au Parlement. En l’état, les cent pages du texte gouvernemental renversent sur de nombreux points la hiérarchie des normes en droit du travail. Le principe de l’ordre public social veut que le salarié bénéficie du texte qui lui est le plus favorable lorsqu’il y a concurrence de deux textes sur un même domaine. Il implique que les conventions et accords collectifs de rang inférieur soient conformes aux conventions et accords de niveau supérieur : la Constitution, la loi, les règlements s’imposent aux conventions collectives qui s’imposent aux accords d’entreprise et aux contrats de travail.

L’avant-projet de loi bouscule tout cela. Par exemple, pour les heures supplémentaires, un accord d’entreprise pourra fixer un taux de bonification inférieur à celui prévu par l’accord de branche et les salariés seront obligés de s’y soumettre. Dans certains cas, le paiement des heures supplémentaires pourra même être remplacé par un repos compensateur. Un accord d’entreprise pourra porter de 44 à 46 heures la durée du travail maximum sur une période de seize semaines. L’augmentation de la  durée maximum hebdomadaire de travail, fixée à 48 heures par une directive européenne, pourra être portée à 60 heures en cas de circonstances exceptionnelles et avec autorisation administrative. Actuellement prévue pour le « maintien de l’emploi », la baisse des salaires sera autorisée pour les entreprises qui veulent conquérir des marchés et le refus du salarié sera considéré comme une cause sérieuse de licenciement. Les syndicats minoritaires pourront soumettre un projet d’accord à référendum dont le résultat positif s’imposera aux syndicats majoritaires…

Le gouvernement fait mine d’oublier que le Code du travail vise à limiter le « lien de subordination juridique permanent à l’égard de l’employeur » (article L. 12O-3) et privilégie les accords d’entreprise, conclus là où les salariés sont soumis aux pressions, voire au chantage, de l’employeur. Le Medef juge que le projet « va dans le bon sens » et le ministre allemand des Affaires sociales le trouve « bon, juste et courageux » et conforme au modèle allemand. Les députés et sénateurs socialistes vont-ils s’incliner devant leurs maîtres ?

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Article publié dans le numéro 1095 de « Royaliste » – 24 février 2016

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