Depuis le second tour des élections législatives, les déclarations d’Emmanuel Macron et le discours médiatique dominant entretiennent de graves confusions sur les institutions de la Ve République.

Quant à la fonction présidentielle, la Constitution de 1958 permet plusieurs types de conduites politiques – une forte inflexion présidentielle ou un rôle plus nettement arbitral – qui dépendent de la personnalité de l’élu et de la conjoncture. Le quinquennat a éliminé cette souplesse et favorise une attitude résolument anticonstitutionnelle : le président élu sur un programme de gouvernement joue le rôle dévolu au Premier ministre et régente l’Assemblée nationale par les directives adressées au parti dominant.

Cette dérive autocratique a été particulièrement nette entre 2007 et 2012 avec Nicolas Sarkozy et lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Les principaux médias, fascinés par le détenteur du Pouvoir, ont accepté cet état de fait, qui détruisait le principe fondamental de séparation des pouvoirs et la fonction présidentielle. Le fait majoritaire paraissait alors consubstantiel à un système de “gouvernance” dans lequel les élections législatives sont couplées avec la présidentielle.

Cette construction, qui donnait à l’oligarchie une redoutable efficacité, s’est effondrée le soir du 19 juin et le président réélu se trouve dans un cruel embarras. Emmanuel Macron a lancé sans succès l’idée d’un gouvernement d’union nationale, l’ultimatum qu’il avait fixé aux partis n’a fait trembler personne et le gouvernement formé avant les élections législatives est condamné à une existence fantomale jusqu’aux premiers jours de juillet. Ce n’est pas une crise de régime comme on le dit souvent car les menaces qui pèsent sur les institutions ne proviennent pas du résultat des élections mais des conceptions et des pratiques anticonstitutionnelles de celui qu’on appelait Jupiter.

Emmanuel Macron a volontairement ignoré le premier alinéa de l’article 5 de la Constitution qui affirme que “le président de la République assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat”. L’absence d’arbitrage est la cause immédiate du chaos institutionnel provoqué par la réduction de la durée du mandat présidentiel et par la volonté de toute puissance de l’élu de 2017.

Emmanuel Macron ignore délibérément l’article 20 de la Constitution qui établit le principe du régime parlementaire – “le gouvernement est responsable devant le Parlement” – puisque le candidat à la réélection osait déclarer à Strasbourg le 12 avril que “nous n’avons pas un régime parlementaire”.

Emmanuel Macron continue de nier le rôle décisif du gouvernement qui “détermine et conduit la politique de la nation” puisque c’est à l’Elysée que les présidents des groupes parlementaires ont été conviés le 21 juin pour envisager l’action législative. Il a même aggravé son cas en affirmant qu’il avait été élu sur un programme, alors que le président selon l’article 5 ne saurait avoir de programme puisqu’il est “le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités”.

La situation parlementaire serait simplifiée si le président théorique de la République redevenait l’homme en charge de l’essentiel, hors de toute attache partisane, laissant le Premier ministre conduire la politique de la nation selon la majorité parlementaire qu’il pourra réunir.

Le retour à une pratique constitutionnelle régulière est le premier devoir qui s’impose à celui qui n’a jamais voulu être un chef d’Etat et qui pourrait encore le devenir s’il appliquait à la lettre les dispositions inscrites dans notre Constitution. Telle n’est pas la voie qui a été choisie. Par ses déclarations à l’AFP le 25 juin, Emmanuel Macron cherche encore à s’affirmer comme le maître du jeu.

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4 Commentaires

  1. RR

    L’instauration du quinquennat a été en effet une mauvaise chose. L’idéal (peut-on parler d’idéal ?) serait le retour à un septennat mais où l’élu ne pourrait au cours de sa vie n’effectuer qu’un seul mandat.
    Il faudrait aussi exploiter les possibilités démocratiques qu’autorise la Constitution et même les élargir, tel le recours au référendum.
    Bien entendu, il ne faut pas compter sur l’actuel Président, pantin de la haute finance et non-exempt d’un certain complexe de supériorité – moins marqué que celui de Marine Le Pen (ce qui est le comble pour une avocate ratée) mais qu’on ne saurait ignorer – pour aller dans cette direction (on l’a bien vu lors du mouvement des Gilets jaunes).

  2. Catoneo

    Dès le premier jour du premier quinquennat, Emmanuel Macron s’est pris pour Néron.
    Ses caprices ont gouverné le pays dans le moindre détail, jusqu’à instrumentaliser la pandémie du coronavirus chinois pour se pavaner dans un « conseil de défense » en adossant sa perception à un conseil scientifique aux ordres.
    Rien ne lui fut étranger, le césarisme à son comble. Et il a passé son temps à minimiser le rôle de l’Assemblée nationale, pour lui un frein institutionnel, qui entend prendre sa revanche aujourd’hui.
    Mais au bout du bout il n’a pas réussi grand chose de décisif pour le pays et veut se rattraper sur le second mandat. De la même manière ?

    Universel, il va jusqu’à critiquer la décision de la Cour suprême américaine de défédéraliser l’avortement. Il fait la leçon en continu à nos partenaires européens et au président ukrainien. Il se croit important. mais l’état de calamités du pays (dette, triple déficit, instabilité politique et sociale) va signaler à ses pairs que c’est finalement un chiqueur. Certains comme Mark Rutte le détestent et on va reparler de la mise en danger de l’eurozone par la France de M. Macron.

  3. xc

    A mon humble avis, le quinquennat n’arrange peut-être rien, mais la cause de tous les malheurs me semble plutôt être l’élection présidentielle au suffrage universel direct qui conduit les candidats à faire campagne sur des thèmes qui sont du ressort du Gouvernement. Après quoi, l’élu s’estime légitimé pour poursuivre dans la voie de l’usurpation des fonctions gouvernementales, face à un Gouvernement qui n’est que nommé, par lui-même, au surplus. Et le soutien d’une Assemblée nationale dont les électeurs ne veulent pas qu’elle soit le contraire de ce qu’ils ont voté quelques semaines plus tôt (ce qui est à nuancer cette fois-ci).

  4. Catoneo

    J’ai suivi hier la longue allocution précédant la conférence de presse de M. Macron à Madrid au sommet de l’OTAN.
    Nous écoutons le roi du monde, l’hégémon de l’occident.
    Etonnons-nous de fatiguer nos partenaires !