Il y a les affaires qui s’accumulent et qui jettent un discrédit général sur le milieu dirigeant. N’oublions pas cependant l’échec économique du gouvernement qui l’obligera bientôt à renoncer à ses dernières promesses.

Oui c’est terrible, ce Cahuzac qui est mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale alors que, ministre, il était chargé de lutter contre la fraude. Le 2 avril, l’aveu a provoqué une telle émotion qu’on a oublié, dans les médias, de s’intéresser au cas de Jean-Noël Guérini, placé en garde à vue le même jour puis conduit à l’hôpital à cause d’un malaise : le sénateur socialiste, dont l’immunité parlementaire a été levée, n’a toujours pas été exclu du Parti socialiste.

À Paris, à Marseille, ils attendent toujours d’être dans la catastrophe pour exprimer leur stupéfaction et leur chagrin. Ils ne savaient pas que Cahuzac était perdu de réputation depuis 1992 ? Ils ne savaient pas que Jean-Noël Guérini est hautement suspect ? Ce qui étonne, c’est que Jean-François Copé et quelques autres chefaillons de la droite s’avancent vers les micros comme s’ils étaient vêtus de probité candide. Ils seront eux aussi rattrapés par leurs compromissions et leurs malversations et bientôt on se repassera en boucle leurs vertueuses déclamations. Le piège se referme, très vite, et le discrédit des oligarques augmente de jour en jour. Discrédit ? Bientôt ce sera la haine pour ceux qui demandent des sacrifices et s’en mettent plein les poches.

Du coup, il faut prendre très au sérieux l’hypothèse d’une crise de régime que Jacques Sapir a été le premier à formuler. Observons, sans aucun plaisir, les ferments de la tragédie qui se dessine :

François Hollande s’est laissé emporter par la logique du quinquennat : il se comporte comme un Premier ministre et prend des coups qui devraient être réservés à Jean-Marc Ayrault. Le président de la République est devenu, en moins d’un an, un personnage fragile – un homme seul qui ne peut même plus se promener tranquillement dans les rues de Tulle.

Le gouvernement ? Sur la scène, ce sont des ombres qui passent en récitant des éléments de langage. Parfois, un projecteur accroche un personnage. Voici Pierre Moscovici, soupçonné d’avoir protégé Cahuzac. Voici Arnaud Montebourg, naguère espoir d’une nouvelle gauche, qui annonce que l’État va vendre des participations dans le vain espoir d’équilibrer le budget.

Un remaniement ? Mais avec qui ? Quoi qu’on puisse en penser, Martine Aubry, Ségolène Royal et quelques réservistes de la période Jospin dont j’ai oublié les noms sont des femmes et des hommes politiques du siècle dernier – d’un temps où l’on croyait à l’Union européenne, à la monnaie unique, au marché mondialisé… Quant aux jeunes loups début de siècle, ils ont déjà les dents limées.

La VIe République ? Jean-Luc Mélenchon joue à nouveau avec son fantasme mais si c’est pour revenir au régime d’Assemblée, on ne voit pas en quoi cela mettrait les parlementaires à l’abri de la corruption.

Un référendum sur la moralisation ? Si des mesurettes sont présentées, on criera, non sans raisons, à l’opération plébiscitaire. Il serait préférable que le Parlement, à majorité socialiste, adopte un ensemble de projets de lois qui détruirait le système de corruption et d’évasion fiscale : nationalisation des banques, nationalisations des laboratoires pharmaceutiques, contrôle des changes… On ne fera rien de tout cela. Dès lors que reste-t-il ?

Le pire des aveux, déjà esquissé par Pierre Moscovici en pleine tempête Cahuzac : « La Commission européenne dit 0,1 %. Je crains que ce ne soit pas loin de ça » a murmuré le ministre des Finances lors d’un colloque le 4 avril. De quoi s’agit-il ? Du taux de croissance pour l’année 2013, qui devait être de 0,8 % selon le gouvernement et qui sera au mieux celui d’un pays en stagnation. Cela signifie que le chômage va continuer à augmenter.

François Hollande s’est bercé d’illusions. L’homme seul, de plus en plus impopulaire, sera forcé d’en faire l’aveu aux Français. Le peu de crédit qui lui reste sera détruit et il ne pourra mettre en ligne que des équipes usées, déconsidérées, paumées. C’est alors que nous entrerons vraiment dans la tragédie.

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Article publié dans le numéro 1033 de « Royaliste » – 15 avril 2013

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