Nous avions pris l’habitude de recevoir les rapports du GIEC (1) avec une certaine lassitude : encore ! Encore des avertissements, encore des recommandations, encore des prévisions pessimistes, encore de la culpabilité. Sauf que cette fois-ci, le rapport est différent : il ne nous dit pas où nous allons, il nous dit que nous y sommes déjà. Le futur difficile que l’on nous prédisait est devenu notre présent, qui accumule le réchauffement global, les événements climatiques extrêmes et l’effondrement de la biodiversité. Les modèles élaborés par le GIEC se sont avérés non seulement exacts, mais d’une grande précision. Nous voyons aussi, malheureusement, que si le GIEC nous proposait systématiquement comme futur possible la solution la plus optimiste, de notre côté, par insouciance, nous avons toujours opté pour le pire des scénarios. Le rapport signale aussi qu’il est déjà trop tard pour stopper certaines évolutions : la montée du niveau des mers, la fonte des glaces du Pôle Nord, l’acidification des océans vont se poursuivre pendant des siècles. Et ce n’est qu’un début : les puits de carbone que constituaient les océans et les milieux forestiers sont pleins. Le CO2, toujours produit, augmente alors les taux de GES. Nous avons largement dépassé les 400 ppm de CO2 dans l’atmosphère, niveau que les Accords de Paris en 2015 considéraient comme la limite à ne franchir en aucun cas. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère climatique et écologique, dont nous subissons maintenant les effets directs dans nos vies de tous les jours. Peut-être cela va-t-il enfin nous pousser à réagir ? Voici donc, en quelque sorte, le premier rapport post-changement climatique. Il mène à deux conclusions principales. La première, c’est que les experts du GIEC ont plutôt bien fait leur travail : leurs modèles prédictifs ont parfaitement anticipé l’évolution du climat. Les accusations, souvent insultantes, de corruption, de partialité, d’incompétence, les critiques sur la mauvaise qualité des modèles, bref tout ce que leur reprochaient les climato-sceptiques, étaient infondées. Oui, le réchauffement est bien là ; oui, il est en très grande partie dû à l’action de l’homme ; oui, le CO2 d’origine anthropique est responsable de l’effet de serre ; oui, la multiplication des catastrophes climatiques, des inondations meurtrières, des sécheresses destructrices, des incendies de forêt, est bien un effet secondaire des bouleversements climatiques ; oui, la pandémie actuelle tire une bonne partie de ses origines dans les changements de l’écosystème mondial, etc. Le temps des décisions difficiles. La deuxième conclusion, plus optimiste, c’est que si les modèles du GIEC sur le climat ont parfaitement anticipé son évolution, leurs recommandations pour en réduire les causes doivent être justes, elles aussi. Voilà qui permet d’espérer un peu, puisque le rapport nous confirme que les scénarios sans émissions de GES sont encore en mesure d’avoir des effets « rapides et permanents pour limiter le changement climatique ». Nous pouvons encore (pour combien de temps ?), non pas revenir en arrière, mais limiter la casse. Lancer une politique qui en finisse avec les émissions de GES n’est plus une suggestion que l’on puisse négliger sans risques ; c’est devenu une obligation absolue. Mais il faut prendre des décisions difficiles et s’y maintenir. Puisqu’ils ont les cartes en main, l’inaction des gouvernements en toute connaissance de cause, devient un crime contre l’humanité. Et les climato-sceptiques, dans tout ça ? On ne les voit plus guère. Claude Allègre, auteur de L’Imposture climatique, dont les positions ahurissantes ont poussé bien des lecteurs sincères à refuser tout effort pour réduire notre impact sur le milieu, qu’en pense-t-il ? Soyons clairs: la recherche exige d’être soumise à la critique, à la « réfutation », et ce groupe a joué un rôle essentiel au début, en forçant le GIEC à approfondir ses recherches. Mais par la suite, en refusant d’en accepter les résultats scientifiques, les climato-sceptiques sont devenus responsables du temps perdu à ne rien faire. On a bien sûr le droit – le devoir – d’avoir une opinion et de la défendre ; mais il faut aussi être conscient des dégâts qu’elle peut faire, si elle est dénuée de fondement scientifique. Et puisque le GIEC nous confirme les liens entre la pandémie et les effets sur l’écosystème du changement climatique, il devient intéressant de faire le parallèle entre les climato-sceptiques et les « pandémie-sceptiques ». On retrouve en effet dans bon nombre de critiques des seconds sur le sérieux des scientifiques, le choix et la qualité des méthodes utilisées, la validité des chiffres, etc., les mêmes (absences d’) arguments que ceux que nous avons dû subir pendant des décennies de la part des premiers. Que certaines critiques émises naguère sur le GIEC, que tout le monde reconnaît comme infondées, se retrouvent à l’identique à propos d’autres résultats scientifiques, devrait nous pousser à réfléchir et à considérer très sérieusement le poids de responsabilités que nous endossons quand nous émettons une opinion.
François GERLOTTO
(1). GIEC : Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat ; GES : gaz à effet de serre ; ppm : partie par million.
Editorial du numéro 1216 de « Royaliste » – 14 septembre 2021
Vous écrivez : »Le futur difficile que l’on nous prédisait est devenu notre présent, qui accumule le réchauffement global, les événements climatiques extrêmes et l’effondrement de la biodiversité. » Or, tout ceci est erroné. Vous affirmez que l’on n’entend plus les climato-sceptiques. Certes, les médias aux ordres de la « transition écologique » ne leur donnent jamais la parole. En effet, notre présent est en réalité une phase de refroidissement climatique comme on peut le constater en regardant régulièrement les images satellitales, les mesures et les événements météorologiques (Cf. les chutes de neige au Brésil, en Afrique du Sud, dans le Queensland, etc.). Le GIEC est un organe politique et non scientifique. Voir ici : https://belgotopia.com/2019/11/15/letat-desastreux-de-la-science-du-climat/
Ou ici : https://wattsupwiththat.com/2021/09/19/ipcc-model-scenarios-compared-to-actual-measured-temperatures/
Les glaciers ? Voir ici ce qu’en disait mon regretté professeur de glaciologie à l’IGA de Grenoble : http://virtedit.online.fr/vivian_dern.html#ancre815735 et quid des prévisions catastrophistes de M. Al Gore avec la fin de la neige dans les Alpes en 2014 ?
On peut se documenter ici, pour un débat plus serein : https://www.climato-realistes.fr/sixieme-rapport-du-giec-et-si-on-passait-enfin-a-autre-chose/
Et enfin, la biodiversité, il faut lire le dernier livre d’Alain pavé, comprendre la biodiversité. Un vrai spécialiste : http://www.alain-pave.fr/
Je regrette profondément que « Royaliste » adhère sans esprit critique aux thèses climato-alarmistes, parce que pour le reste, j’apprécie fortement !
Cordialement.
Je ne sais trop que vous répondre. Je respecte les opinions individuelles, mais je suis un chercheur, et je ne peux que retourner vers la vérité du terrain quand ces opinions traitent de faits mesurables et qu’elles sont trop différentes des miennes : ne serait-ce que pour vérifier si je ne me suis pas trompé ou si je n’ai pas omis des faits contredisant mes conclusions. Et cette réalité du terrain n’est certainement pas celle d’un refroidissement. Vous allez sans doute bondir, mais je voudrais rappeler un point statistique : on peut tirer une loi d’une série de mesures ; pas d’une mesure unique. C’est pourtant un argument fréquent chez Claude Allègre dans son livre sur « L’Imposture climatique » Je vous en cite les phrases : « Lorsque l’on voit en plein été, comme cela s’est passé en 2008, des éléphants patauger dans la neige au Kenya, beaucoup de gens de bonne foi s’interrogent : cela fait un peu désordre comme indice de réchauffement ! ». « Le temps qu’il fait depuis trois hivers – qui n’indiquent pas vraiment un réchauffement » (ceci n’est pas dit par Allègre, mis par son interlocuteur, Dominique de Montalon, mais si Allègre n’avait pas été d’accord, ce ne serait pas dans son livre) ; « Avec les faits, les observations de l’évolution du climat (car chacun aura pu « observer » durant la période 2006-2010 le « réchauffement »), etc. Un cas particulier n’a aucune représentativité statistique, « une hirondelle ne fait pas le printemps », et il n’y a plus de neige sur le sommet du Kilimandjaro depuis quelques années. Comme sur nombre de sommets tropicaux d’ailleurs : j’ai travaillé 7 ans sur les écosystèmes marins des côtes du Chili et du Pérou, et j’ai vu, en accompagnant (comme président de leur commission scientifique) mes collègues glaciologues tropicaux de l’IRD, que les glaciers andins sont en voie de disparition. Ce qui va incidemment poser un très gros problème à ces pays, car du fait de leur fonte, les rivières ont augmenté leurs débits, ce qui a permis de développer l’irrigation dans les plaines côtières. Or dans quelques années ces débits, non seulement diminueront, mais seront insignifiants par rapport à leurs valeurs « pré-fonte ». On peut augurer des moments difficiles à l’agriculture péruvienne.
La fameuse période 1940-1970 où effectivement la température mondiale s’est plutôt refroidie est terminée, on sait d’ailleurs parfaitement à quoi elle était due (à la pollution par l’industrie liée au charbon), ses causes sont intégrées dans les modèles du GIEC. Depuis une vingtaine d’années le réchauffement est patent. Je ne vois pas en quoi ma phrase « Le futur difficile que l’on nous prédisait est devenu notre présent, qui accumule le réchauffement global, les événements climatiques extrêmes et l’effondrement de la biodiversité » est erronée : le réchauffement est bien là et on le voit par des phénomènes plus stables que des épisodes météorologiques locaux. Pour n’en donner que deux : les écosystèmes remontent vers le nord de plusieurs dizaines de km chaque année dans notre hémisphère, les vendanges ont lieu de plus en plus tôt chaque année ; tous les indicateurs montrent la réalité de ce réchauffement (quelle qu’en soit l’origine). L’énergie moyenne des cyclones dans l’Atlantique, elle aussi, ne cesse d’augmenter (d’où les « évènements extrêmes ») ; la banquise de l’océan Arctique se réduit de plus en plus, au point que les pays riverains commencent à établir des « routes du nord » pour leurs navires.
Quant à la biodiversité, je n’insisterai pas, mais je me contenterais de signaler que la Méditerranée est peu à peu colonisée par des poissons tropicaux. A propos de cette biodiversité, vous faites référence à Alain Pavé, mais je pourrais vous donner mon CV qui n’est pas très différent du sien. Je suis moi aussi chercheur, de formation biologiste, zoologiste, puis écoéthologiste et biostatisticien. J’ai dû me spécialiser en statistiques spatiales et en acoustique sous-marine pour pouvoir observer et mesurer les populations de poissons dans leur milieu, j’ai passé une bonne partie (près de 20 ans) de ma carrière (à l’IRD) comme directeur de recherche, et j’ai toute ma vie étudié l’écologie des systèmes marins tropicaux pour comprendre le fonctionnement de leurs communautés animales (si vous êtes intéressé, vous pourrez trouver mes publications sur le web, par exemple en tapant « Francois Gerlotto » sur Google scholar). Alors, quand vous dites que « notre présent est en réalité une phase de refroidissement climatique comme on peut le constater en regardant régulièrement les images satellitales, les mesures et les événements météorologiques (Cf. les chutes de neige au Brésil, en Afrique du Sud, dans le Queensland, etc.) », j’avoue que je ne peux qu’être en désaccord complet avec vous, par la simple observation des données climatiques et écologiques disponibles. Une fois de plus, un évènement isolé (les chutes de neige) n’autorise aucune hypothèse : c’est la permanence d’un phénomène (la fonte de l’Arctique par exemple) qui fait science. Par ailleurs, météorologie et climat sont deux choses tout à fait différentes.
Je suis désolé de ce désaccord profond. Dans bien des domaines je pourrais changer d’opinion après vous avoir écouté, mais là, je ne peux pas : mes 40 ans d’expérience scientifiques sur des écosystèmes variés sont en phase avec ce que le GIEC publie sur le climat (que je ne suis pas capable de reprendre dans son ensemble : il s’appuie sur les travaux de milliers de chercheurs de toutes les disciplines) et ce qu’il conclue est entièrement compatible avec mes observations et mes travaux scientifiques. Convergence de conclusions ne fait pas une vérité : on peut très bien se tromper tous ensemble ! Mais il faudrait une réfutation extrêmement solide et complète de tous leurs travaux (et des miens dans mon domaine étroit) pour me faire changer d’avis. Et pour le moment, cette réfutation scientifique, je n’en vois pas le début.