Étudier à coûts croissants

Sep 9, 2023 | Res Publica

 

La FAGE et l’UNEF dénoncent la hausse insupportable du coût de la vie. Les conditions d’accès aux concours de la fonction publique et aux grandes écoles sont par ailleurs toujours plus onéreuses.

Le plus ancien des syndicats étudiants, l’UNEF, contrôlé par la gauche radicale, et la FAGE, proche de la CFDT et aujourd’hui majoritaire, sont au moins d’accord sur un point : la dégradation constante de la condition étudiante, que vient aggraver l’inflation.

Selon l’UNEF, le coût de la vie étudiante va augmenter de 6,47% au cours de l’année 2023-2024, en raison d’un taux moyen d’inflation de 4,5% en juin pour les douze mois écoulés et, surtout, d’une hausse de 13,7% des prix alimentaires pour la même période – à laquelle il faut ajouter la hausse des transports (+5,91% pour les non-boursiers, +3,95% pour les boursiers) et de l’électricité (+10,1%). Au total, les étudiants devraient supporter une augmentation moyenne de près de 600 euros de leur budget annuel. Pour sa part, la FAGE a publié son indicateur annuel du coût de la rentrée, qui s’élève à 3.024,49 euros pour un jeune étudiant – soit une hausse de presque 9% en un an.

Pour compenser les hausses de prix, le gouvernement a prévu de revaloriser les bourses étudiantes. Mais cette augmentation – entre 37 et 127 euros par mois selon les cas – ne permettra pas de compenser la hausse des frais de rentrée et des dépenses courantes. Déjà, en 2022,  56% des étudiants ne mangeaient pas à leur faim et 43% avaient renoncé à des soins pour raisons financières…

Au fil des années, une sélection par l’argent s’est instituée puisque les étudiants qui peuvent se consacrer entièrement à leurs études, sans recourir aux petits boulots alimentaires, bénéficient d’un très solide avantage compétitif. C’est encore plus vrai pour ceux qui préparent les Grandes écoles et les concours de la fonction publique. Les étudiants sont encouragés à faire des stages – et de plus en plus à choisir une année de césure. C’est à la fois une méthode de sélection car de nombreux étudiants (27%) ont des masters et c’est, pour les stagiaires, un moyen de vérifier la pertinence de leur choix de carrière. Mais les effets pervers sont nombreux et inquiétants.

Vivement encouragée pour la préparation des concours de l’INSP (ex-ENA), de l’Armée, du Quai d’Orsay, des Affaires maritimes, les stages se font dans une préfecture, dans une ambassade, dans un service du ministère de l’Intérieur ou des Armées. Ces stages comptent beaucoup pour la réussite au concours, mais tous ne sont pas accessibles en raison du népotisme. Les stages dépendent beaucoup des recommandations interpersonnelles dans le secteur public, donc des réseaux à l’œuvre dans les hautes classes.

Les conditions matérielles des stages sont médiocres dans le secteur public : l’an dernier, un stagiaire touchait en moyenne 570 euros par mois. Même s’il gagne un peu plus – on est passé de 3,90 euros de l’heure en 2022 à 4,05 euros – l’heureux bénéficiaire doit payer de sa poche les frais de logement – élevés à Paris, dans les métropoles et dans les capitales étrangères – et les frais de transport aérien lorsqu’il part pour un pays étranger, ce qui est indispensable si on veut réussir les épreuves de langue. Or il n’est pas possible de faire un stage tout en ayant un travail alimentaire, pour des raisons de surcharge horaire ou parce que le travail alimentaire est interdit par le droit local pour le stagiaire étranger.

Les étudiants qui n’ont pas de soutien familial ou n’ont pas eu la chance de trouver un travail alimentaire fructueux pendant les premières années d’études sont obligés de renoncer à la haute fonction publique. Derrière le mur de l’argent, la classe dominante peut assurer discrètement sa perpétuation.

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Article publié dans le numéro 1261 de « Royaliste » – 10 septembre 2023

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