Faire sauter l’euro-carcan

Déc 17, 2018 | la lutte des classes

 

 

La peur a saisi, début décembre, l’élite du pouvoir, des affaires et des médias. Maints témoignages en font foi et les appels au calme lancés par le gouvernement et ses relais journalistiques soulignaient le début d’une perte de contrôle.

La répression violente des manifestations du 8 décembre et les annonces faites le lendemain matin par Emmanuel Macron ont accrédité l’idée d’une reprise en main. A l’Elysée, on avait compris, on s’excusait, on allait distribuer du pouvoir d’achat et lancer un vaste dialogue… Alors que les éditocrates saluaient le « tournant social » du quinquennat (1), il devint très vite évident que les annonces sur le Smic et la CSG se réduiraient à des distributions d’aumônes malgré le chiffre magique des 10 milliards de dépenses engagées sur le papier.

Il est vrai que les annonces présidentielles, l’exploitation éhontée de l’attentat islamiste de Strasbourg par le gouvernement et la menace de répression brutale des manifestations ont réduit l’ampleur des actions menées par les Gilets jaunes le samedi 15 décembre. Cependant, ces quatre semaines de mobilisation ont abouti à un double succès.

Succès tactique car Emmanuel Macron est durablement coincé : d’un côté il y a le patronat qui, le moment de peur passé, veut lâcher le moins possible ; de l’autre il y a Bruxelles qui ne veut pas trop concéder à Paris sur la règle imbécile des 3{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} de déficit en raison de son bras de fer avec le gouvernement italien.

Succès stratégique : les Gilets jaunes ont imposé dans le débat public les classes moyennes méprisées, appauvries et en voie de disparition face à une oligarchie tout entière résumée par cet ancien banquier devenu le président des riches. Le voici maintenant replié dans son quartier-citadelle du huitième arrondissement, piètre représentant d’une classe dirigeante enfermée dans les beaux quartiers, désormais incapable de réaliser les réformes ultralibérales dont rêvait le « bloc bourgeois » – à commencer par la réforme des retraites.

Cette lutte de classe, qui se relance en termes neufs, ouvre de vastes perspectives car il y a une expansion possible de la révolte des Gilets jaunes à la masse considérable des travailleurs précaires ou privés d’emploi. Mais nous n’en sommes qu’au début, loin de la victoire. L’oligarchie résiste. L’impôt sur la fortune ne sera pas rétabli et le Sénat a voté le 10 décembre un allègement substantiel de taxe en faveur des exilés fiscaux. L’arsenal répressif est disponible avec blindés, flash ball et chiens. Le débat médiatique, dilué en d’interminables bavardages, est orienté et cadré :

L’orientation est manifeste. Les chaînes d’information cherchent à extrémiser ou à infantiliser les Gilets jaunes et viennent de leur donner pour parrain un banquier franquiste, salué le bras tendu par ses partisans espagnols et abusivement présenté comme « prétendant au trône de France ».

Le cadrage consiste à éviter que soient mis en cause les traités européens et la prétendue « monnaie unique ». Sur les plateaux, rares sont les invités qui parviennent à évoquer la souveraineté de la nation. Quant aux partis réputés contestataires, ils se gardent de dénoncer les conséquences économiques et sociales de l’euro. Depuis la campagne présidentielle, Marine Le Pen est muette sur ce point et Jean-Luc Mélenchon, toujours très discret sur l’euro, a récemment déclaré à l’Assemblée nationale que « le Frexit serait une erreur ». Quand on n’expose pas les données d’un problème, il est facile de clamer que sa solution est mauvaise, voire épouvantable.

Le problème, c’est que l’oligarchie a organisé sa domination en s’appuyant sur la monnaie unique, comme système de « gouvernance » importé d’Allemagne, et sur la négation du choix démocratique des Français lors du référendum de 2005. Le carcan de l’euro est politique, économique et social. Il réduit à néant le choix des citoyens, lors des élections. Il provoque la désindustrialisation du pays et le chômage de masse. Il interdit la dévaluation monétaire et ne laisse d’autre choix que la dévaluation des salaires.

Il y a un préalable au progrès démocratique, à la justice sociale, à un nouveau mode de développement économique : le dynamitage de l’euro, qui fera sauter tout l’édifice des traités ineptes et iniques.

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(1)    Cf. sur ce blog : Le faux « tournant » d’Emmanuel Macron.

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