Le temps est révolu où un chef de gouvernement, tel Alain Juppé en 1995, se lançait bille en tête dans une refonte totale de notre protection sociale. Depuis, les successeurs de l’infortuné Premier ministre de Jacques Chirac sont plus subtils. Ils visent le même objectif : détruire le pacte social français patiemment élaboré et mis en place durant les Trente Glorieuses avec pour fil conducteur le programme du Conseil national de la Résistance. Mais ils détruisent avec méthode, suivant les étapes d’une stratégie qui consiste à enfoncer des coins successifs à la base de l’édifice jusqu’à ce qu’il s’effondre et laisse les assurances privées faire main basse sur le pactole de la Sécurité sociale.
Pour dénicher la dernière attaque en règle contre ce qu’il reste de notre « Etat-Providence », il faut se plonger dans la loi de finances 2018. Disons, pour faire simple, que, jusqu’à l’apparition de la CSG en 1991, salariés et entreprises cotisaient selon leurs moyens, pour assurer les risques liés à la vieillesse, la maladie, la famille, les accidents du travail et la perte d’emploi, et recevaient selon leurs besoins. Le système, distinct de la fiscalité, était géré par les représentants des salariés et des entreprises. Mais au fil du temps, la part de la fiscalité n’a cessé de croître et trois mesures budgétaires de la loi de finances 2018 permettent de faire un pas de plus vers la fiscalisation généralisée de la protection sociale.
La première consiste en une baisse de la part salariale des cotisations chômage et retraites, qui sera compensée par une hausse de la CSG, officiellement pour redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. La deuxième transforme le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) en baisse pérenne de la part patronale des cotisations sociales, une mesure qui visait à augmenter la marge des entreprises, à relancer l’activité économique et l’emploi. La troisième prévoit une augmentation plus rapide que prévu par la loi de Transition énergétique de 2015 de la composante carbone de la taxe sur les produits énergétiques, officiellement pour accélérer la transition écologique.
Or l’efficacité de ces mesures reste à démontrer. Deux études récentes de l’OFCE viennent en effet de montrer coup sur coup que si le CICE a permis aux entreprises de restaurer leurs marges, il n’a ni relancé l’activité ni créé d’emplois, et que les allègements de cotisations sociales ne relanceront pas le pouvoir d’achat des salariés. Quant à l’accélération de la montée en régime de la taxe carbone, la loi de finances précise que cette mesure contribuera « au financement des baisses de la fiscalité pesant sur le travail et le capital en vue de favoriser l’emploi et l’activité », mais nullement à financer le passage vers une économie moins émettrice de gaz à effet de serre. Les justifications avancées par le gouvernement ne sont donc qu’un enrobage destiné à faire passer la pilule et à dissimuler aux yeux de nos concitoyens la fiscalisation rampante du budget de la Sécurité sociale. Il ne s’agit pas que d’un simple transfert de fonds des caisses de la Sécurité sociale vers celles de l’Etat, mais de la disparition à terme de l’autonomie de gestion de la Sécurité sociale. Le jour où le gouvernement décidera de recourir aux sommes allouées à la protection sociale pour financer la dette, les Français n’auront plus qu’à se tourner vers le privé pour assurer leurs frais de santé, leurs vieux jours, les études de leurs enfants… Cela conduira, à terme, à une protection sociale à deux vitesses : la Sécurité sociale réduite à sa plus simple expression pour les pauvres, et l’assurance privée pour les autres. Avec, dans les deux cas, les prestations qui en découlent : minimales pour les premiers, fonction du prix pour les seconds.
Ce nouvel épisode met en évidence la nécessité de construire un nouveau contrat social. Au fil du temps, le système actuel a connu des dérives ; il a dû surmonter des crises, affronter un chômage persistant, supporter le coût des progrès de la médecine et de l’allongement de la durée de vie ; dans une société percutée par l’apparition de nouvelles formes de travail, il ne permet pas d’assurer la couverture sociale de tous les actifs. Mais cette reconstruction que nous appelons de nos vœux ne pourra se faire qu’en se mobilisant pour rompre avec le capitalisme financier et jeter les bases d’un système économique soucieux des personnes et du bien commun.
Nicolas PALUMBO
Editorial du numéro 1137 de « Royaliste » – 2018
Le capitalisme financier est effectivement une hydre à plusieurs têtes. Ce sera certainement une tâche prioritaire des générations à venir que de sortir de ce cercle nihiliste. A savoir l’argent pour rien, pour spéculer, ne produisant aucune richesse réelle et vidant peu à peu les cerveaux!
C’est le comble de la goujaterie!
Heureusement, certains s’activent vers des voies alternatives. Je suis, par exemple, admiratif des gens de la zad (qu’on veut déloger!) en ce qu’ils veulent réhabiliter cette zone, en parfaite autarcie, et suggérer ainsi une économie (locale, régionale) véritablement harmonieuse avec la nature, tenant à l’écart les investisseurs de tous poils et les conseillers gouvernementaux déguisés en moutons!
j’espère que la zad prendra le vent en poupe! Good luck!