Nous avions estimé que le bloc oligarchique constitué entre le 7 mai et le 18 juin se caractériserait par la rationalisation et l’efficacité. Surprise : la dernière semaine de juin a été celle du cafouillage ministériel et parlementaire.
Lors de la constitution du premier gouvernement Philippe, les commentateurs de BFMTV se pâmaient en nous expliquant que le Jupiter élyséen prenait son temps, en bon et grand « maître des horloges », et que son entourage vérifiait minutieusement les états de services des ministres pressentis afin qu’ils entrent au gouvernement vêtus de probité. Les contrôleurs de moralité avaient fait des impasses puisque François Bayrou, Marielle de Sarnez et Richard Ferrand se virent dotés de maroquins.
Puis on s’est aperçu entre les deux tours des législatives qu’il y avait comme un souci avec Richard Ferrand, empêtré dans une affaire immobilière au point qu’il n’était plus possible de le garder dans cette petite bizarrerie qu’est le ministère de la cohésion des territoires. Cela n’a pas suffi. Pour composer le deuxième gouvernement Philippe, on s’est soudain décidé à faire le ménage en grand après avoir annoncé un simple ajustement technique : à cause de l’affaire des assistants parlementaires du Parlement européen, François Bayrou a été prié de rendre les Sceaux, Marielle de Sarnez a été dégagée du ministère des Affaires européenne par un Jupiter qu’on imagine tonnant. Mais l’olympienne divinité a été surprise de recevoir la démission de Sylvie Goulard, affectée au ministère des Armées.
La raison de ce départ, en plein salon du Bourget ? Les émoluments (10 000 € mensuels) que cette européiste frénétique avait reçus comme « conseiller spécial » d’un think tank étatsunien entre 2013 et 2016 alors qu’elle était député à Strasbourg. L’euro-atlantisme est une idéologie d’autant plus « attractive » comme on dit aujourd’hui qu’elle se décline en activités hautement rentables… Le nouveau gouvernement était à peine constitué qu’une nouvelle tuile venait frapper le sommet de l’occiput jupitérien. Le ministre du Travail, Muriel Pénicaud, fait l’objet d’une enquête préliminaire. Motif : l’hiver dernier, alors qu’elle dirigeait Business France, elle a validé les dépenses relatives à un déplacement à Las Vegas d’Emmanuel Macron, alors ministre, sans respecter le Code des Marchés publics ! Le délit est passible de sanctions pénales. Comme Dame Pénicaud a probablement obéi aux injonctions du cabinet du ministre, Emmanuel Macron est lui-aussi dans le viseur car son déplacement à Las Vegas relève plus de la tournée électorale que du service de l’intérêt général et pourrait avoir donné lieu à un détournement de fonds publics… Au moment où le Parlement se prépare à délibérer sur la moralisation de la vie publique, il serait judicieux que Muriel Pénicaud présente sa démission. Vous me direz que nous aboutirions à un total de cinq ministres débarqués pour pratiques douteuses. Cela ferait mauvais genre en effet mais Jupiter serait tout de même bien avisé de faire la part du feu.
Du moins, la première réunion de l’Assemblée nationale aurait dû compenser la pitoyable valse ministérielle orchestrée par l’Elysée : le parti présidentiel n’était-il pas largement majoritaire ? Les nouveaux députés n’avaient-ils pas été chapitrés ? Richard Ferrand, recasé à la présidence du parti présidentiel par le Président lui-même et malgré les casseroles qu’il traîne, n’était-il pas à la manœuvre ? Las ! Nous avons assisté, le mercredi 28 juin, a un prodigieux cafouillage parlementaire au cours duquel les droits de l’opposition ont été piétinés puisque c’est un tenant de la majorité, Thierry Solère, qui a été élu à un poste de questeur qui revient traditionnellement à l’opposition – avant que l’élection des vice-présidents ne tourne elle aussi à une confusion finalement favorable aux macroniens.
Nous maintenons cependant notre analyse quant à l’efficacité du bloc oligarchique : quand il s’agira de voter le saccage du Code du travail et les mesures d’austérité, la majorité « En Marche » et ses complices de l’opposition « constructive » respecteront la discipline de classe et voteront sans défaillir toutes les lois scélérates dictées par l’Elysée.
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Spoil system
Au cours de sa campagne, Emmanuel Macron avait annoncé qu’il examinerait l’intégralité des postes de direction dans la fonction publique. Promesse tenue : une liste de deux cents hauts fonctionnaires a confirmé dans leur poste ou à changer est sur le bureau du nouveau président.
Après la parodie de « discours sur l’état de l’Union » devant le Congrès et autres signes d’américanisation, la menace d’un « spoil system » à la française se confirme.
L’intention présidentielle est marquée du signe de l’idiotie. De nombreux emplois sont à la discrétion du gouvernement, qui dispose en outre des vastes possibilités offertes par les nominations au tour extérieur. Cela ne suffit pas au Jupiter élyséen, qui veut renforcer la verticale du pouvoir par de grands commis à sa botte. La tradition de loyauté de l’administration française se voit ainsi méconnue et froidement méprisée et Arnaud Teyssier (Le Figaro du 30 juin) a raison de dénoncer le risque d’évolution de notre pays « vers le statut peu enviable de République bananière ».
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Articles publiés dans me numéro 1126 de « Royaliste » – 2 juillet 2017
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