L’homme qui avait toutes les qualités pour devenir le nouveau tribun de la plèbe, fédérateur d’une gauche patriote, a longuement dérivé vers le sectarisme islamo-gauchiste, cette maladie sénile du révolutionnarisme petit-bourgeois.

Qu’on se le dise : nous ne commentons pas la chute de la Maison Mélenchon avec la joie mauvaise du Figaro. Bien au contraire. Comme le murmure notre Chouette sur cette même page, certains rédacteurs de Royaliste avaient donné leur voix à Mélenchon en 2017, estimant que ce déjà vieux militant était capable de reconquérir une partie de l’électorat populaire sur le Front national et de présider ensuite à un vaste rassemblement de la gauche patriote et socialiste. L’appel obstiné à la fondation d’une “VIe République” empêchait la Nouvelle Action royaliste d’appeler à voter Mélenchon mais il était possible de garder un minimum d’espoir.

Cet espoir a rapidement disparu. A l’automne 2017, nous jugions encore que le chef de la France insoumise était capable du meilleur – le combat contre les ordonnances réformant le code du Travail – et le pire qui surgissait à l’occasion de basses polémiques. C’est le pire qui l’a très vite emporté : liquidation de la tendance patriote de la France insoumise et ralliement de plus en plus net à l’islamo-gauchisme – déjà représenté à l’Assemblée nationale par Danièle Obono.

Bon tacticien, Jean-Luc Mélenchon semblait capable de surmonter tous les obstacles… et toutes ses contradictions. L’homme qui rêvait de créer une VIe République se montrait accroc à l’élection présidentielle et jurait à chaque échec qu’il gagnerait à la suivante. L’homme se posait en porte-parole des classes populaires alors que celles-ci votent majoritairement pour Marine Le Pen (1) et que le cœur de sa militance se trouve dans la nouvelle bourgeoisie urbaine qui a évincé le menu peuple des quartiers qu’elle a conquis. Mais Jean-Luc Mélenchon avait obtenu un résultat très honorable à la présidentielle de 2022 et la création de la Nupes avait permis une solide représentation de la gauche à l’Assemblée nationale…

Tout cela appartient au passé. Jean-Luc Mélenchon a détruit son œuvre, avec la certitude, toujours inentamée, qu’à la fin des fins c’est lui qui va gagner. Quand le chef est persuadé d’avoir toujours raison, quand l’appareil paralysé par la déférence est régulièrement purgé des apparatchiks suspects, quand les erreurs et les fautes sont systématiquement attribuées à la malveillance des compagnons de route et à la méchanceté de l’ennemi, quand la langue de bois masque les évidences et que le rapport aux vérités historiques élémentaires est tordu pour concorder avec la Vérité officielle, on se trouve manifestement devant une dérive sectaire. Les indices de cette dérive sont repérables depuis plusieurs années dans les discours et dans les écrits de Jean-Luc Mélenchon mais il a suffi de quelques séries d’actes publics pour que des fractions de plus en plus importantes de l’opinion se détournent de La France insoumise.

Quand le partisan du mandat électif révocable soutient Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales en décembre 2022 et le fait réintégrer dans le groupe parlementaire LFI, on s’inquiète. Quand les députés mélenchonistes décident, au début du débat sur la réforme des retraites, de jouer l’obstruction systématique sans consulter leurs partenaires de la Nupes et contre l’avis exprimé par les syndicats, on s’indigne. Quand les dirigeants de La France insoumise refusent d’appeler au calme lors des émeutes de l’été dernier, croyant que les bandes de pillards sont des insurgés en quête d’un monde nouveau, on se dit que les théoriciens de la “révolution citoyenne” se moquent du monde et plus particulièrement des travailleurs, des commerçants, des retraités modestes qui ont subi le saccage de leur quartier. Tout ceci sous l’égide de Sophia Chikirou, députée omnipotente, surnommée “la reine-mère”, qui risque une mise en examen pour escroquerie et abus de confiance. Vénéré par LFI, l’Incorruptible doit se retourner dans sa tombe.

L’insoutenable s’est produit lorsque Jean-Luc Mélenchon, Danièle Obono et Mathilde Panot ont obstinément refusé de dire que les pogromistes du Hamas sont des terroristes, désignant comme “crimes de guerre” des crimes contre l’humanité. Les minorités colonisées et exploitées ne peuvent mal faire, ou si peu quand elles y sont forcées ! Ce sont là les derniers débris des illusions du gauchisme des années soixante, accommodées à la sauce wokiste pour capter les voix des banlieues racisées.

On sait que les communistes, les écologistes et les socialistes ont tour à tour signé l’acte de décès de la Nupes. Chaque parti mènera pour son propre compte la campagne des européennes, ce qui était prévu, puis ils se lanceront dans d’accablantes tractations en vue de la prochaine présidentielle. Pendant ce temps, le Rassemblement national continuera d’engranger des suffrages. Merci, M. Mélenchon ! Ce n’est hélas pas la première fois qu’une ligne révolutionnariste favorisera la prise du pouvoir par l’extrême droite.

***

1/ Il y a débat sur ce point entre Julia Cagé et Thomas Piketty, d’une part, et Jérôme Fourquet, d’autre part. Nous y reviendrons.

Article publié dans le numéro 1264 de « Royaliste » – 22 octobre 2023

 

Partagez

2 Commentaires

  1. RR

    Excellent éditorial. Mais M. Mélenchon n’agit pas seulement par conviction mais par souci électoraliste appliquant à la lettre la stratégie prônée par Terra Nova consistant à récupérer un certain électorat issu de l’immigration récente.
    Sinon, je ne suis pas d’accord sur le bienfait de la Vème République dans le sens où certes si le Président de la République est un homme de grande valeur c’est bien, mais lorsque ce dernier est mauvais c’est catastrophique, on le voit depuis des décennies. Il n’y a de bonnes républiques que provinciales et professionnelles. Mais je suis sceptique sur la possibilité d’un retour à la monarchie traditionnelle qui était un système qui lui marchait dans l’intérêt du Peuple où ce dernier d’ailleurs possédait de grandes libertés provinciales et professionnelles. De ce point de vue, votre ouvrage déjà ancien La République au Roi dormant est très instructif.

    • Bertrand Renouvin

      L’élection présidentielle ne garantit certes pas les capacités politiques du chef de l’Etat mais la succession dynastique non plus ! Les guerres de Religion, par exemple, procèdent d’un affaiblissement du pouvoir royal. Il faut donc que la logique institutionnelle compense la fragilité humaine…
      Les libertés provinciales était l’effet des circonstances historiques, non d’une volonté de l’Etat royal qui n’a cessé de renforcer ou de tenter de renforcer son autorité. Les « Républiques professionnelles » font sans doute écho à la fiction d’une société organisée en corporations sous l’ancienne monarchie. Comme s’il y avait eu, dans cette France très largement rurale, une corporation paysanne ! Depuis le début de la société industrielle, la lutte des classes, qui lui préexistait, est l’un des éléments moteurs de la vie sociale.