La crise démocratique vient de s’aggraver – Chronique 183

Avr 15, 2023 | Res Publica

 

Une décision de justice est faite pour apaiser. Celle rendue par les neuf membres du Conseil constitutionnel ravive l’incendie social. Le choix qu’ils ont publié le 14 avril serait respectable si ces personnalités présentaient les garanties d’indépendance et d’impartialité qu’on attend de tout juge. Or les “juges de la loi” nommés en fin de carrière politique par le président de la République ou par le président de l’une des deux assemblées sont les produits d’un système de complaisances et de connivences qui fait planer un doute sérieux sur la manière dont ils conçoivent leur éminente mission. Ce doute est renforcé par la longue liste des décisions rendues dans le respect et pour la défense du néolibéralisme. Cette défense de l’ordre établi est devenue évidente depuis la décision qui vient d’être rendue.

En refusant de censurer un texte imposé à la suite d’un détournement manifeste de procédure, le Conseil constitutionnel a porté un coup violent au régime parlementaire puisque désormais tout gouvernement pourra faire passer de grandes réformes sociales en utilisant l’article 47.1 qui permet de limiter à vingt jours le débat à l’Assemblée nationale et à cinquante jours l’ensemble du débat parlementaire. Pire : le Conseil constitutionnel a accepté qu’une loi qui n’a pas été votée par l’Assemblée nationale puisse être présentée au Sénat.

Le Conseil constitutionnel aurait pu éviter d’accélérer la dérive oligarchique de nos institutions en ouvrant la possibilité d’un référendum d’initiative partagée et en créant, par voie de conséquence, les conditions d’un apaisement immédiat. Il a choisi de rejeter cette voie offerte par la Constitution en prenant le risque de nouvelles explosions violentes. Les membres du Conseil constitutionnel y perdront leur réputation usurpée de sagesse. Ce qui était une institution de la Ve République sera de plus en plus considéré comme un organe de la gouvernance oligarchique. De plus en plus clairement, les Français constateront que le contrôle de constitutionnalité n’a cessé d’être pratiqué dans l’oubli constant de la référence à la République sociale inscrite à l’article premier de notre Constitution et dans le mépris du Préambule de 1946 qui fait partie du bloc de constitutionnalité, tel que le Conseil constitutionnel l’a lui-même défini. La crise démocratique s’en trouve dramatiquement aggravée.

Les prétendus “sages” de la rue de Montpensier se sont délibérément rangés derrière Emmanuel Macron, qui déclarait au matin du 14 avril qu’il ne lâcherait rien et qui a décidé dans la soirée que la loi serait promulguée dans les 48 heures. C’est vouloir que l’intersyndicale subisse une défaite, et qu’elle soit humiliante. C’est vouloir que les classes moyennes et populaires fassent enfin preuve de la résignation sur laquelle l’Elysée avait parié l’hiver dernier.

Durcir la guerre de classes quand on est en position de faiblesse est un jeu dangereux. Nous ne sommes pas en mai 1968. Le parti de l’ordre réduit à la bourgeoisie rentière est incapable de se mobiliser sur les Champs-Elysées et il n’y a pas plus de président légitime que de système partisan clairement structuré.

***

 

 

Partagez

0 commentaires