Face à la guerre qui se déroule au cœur de l’Europe, nous en savons très peu sur les opérations militaires des deux camps et sur les discussions diplomatiques entre grandes puissances. Ces ignorances nous prémunissent contre les jugements péremptoires et les déclarations intempestives ; elles permettent de clarifier autant que possible les enjeux de cette guerre et de s’interroger sur le jeu de la France. Ce travail de clarification est indispensable car les médias ont tout brouillé.

Il n’y a pas de “retour de la guerre” en Europe car elle est réapparue à la fin du siècle dernier avec la longue série de conflits qui ont fait éclater puis disparaître la Yougoslavie. Entre 1991 et 1999, la passion anti-serbe des médias et d’intellectuels transformés en entrepreneurs de guerre civile couvrit le viol du droit international et maintes complicités avec des extrémistes croates, musulmans et albanais tout aussi odieux que les miliciens serbes. La “guerre morale” est une tartufferie, qui masque les froids calculs de ses stratèges qui, en Ukraine, sont à l’œuvre depuis la révolution orange de 2004.

Il n’y a pas lieu d’opposer l’Occident à une Russie qui serait étrangère à l’Europe. L’occidentalisme est l’idéologie sommaire d’un Occident qui n’existe pas. Nous connaissons et aimons une civilisation européenne qui est proche mais différente de la civilisation américaine. Mais de quelles valeurs occidentales parle-t-on aujourd’hui ? Celles de l’humanisme classique ? Ou celles du bouleversement sociétal des valeurs traditionnelles ? En quoi la civilisation russe, de source chrétienne, serait-elle étrangère à l’Europe ? Même la défense de la Liberté prend une tournure illibérale lorsque les médias imposent, à quelques exceptions près, un discours univoque sur les événements.

L’unité et la diversité de la civilisation européenne, c’est ce qui nous permet d’appréhender sans cynisme un monde de rapports de force dans lequel les alliances sont fonction des situations géographiques, des tendances historiques, des intérêts nationaux ou impériaux. Depuis bientôt dix ans, nous assistons à une confrontation directe entre les Etats-Unis et la Russie, sous le regard de la Chine. Le 24 février 2022, le gouvernement russe a cru nécessaire de déclencher une guerre d’agression contre l’Ukraine. Faute d’avoir pu prendre le contrôle de cet Etat souverain, les envahisseurs se trouvent engagés depuis un an dans des batailles d’autant plus rudes que ce sont les Etats-Unis et leurs alliés qui affrontent, par le moyen des Ukrainiens, la Fédération de Russie. La catastrophe européenne que nous déplorions au lendemain de l’agression russe a pris l’allure d’un affrontement entre deux blocs. L’analyse ne s’en trouve pas pour autant simplifiée.

Il est courant de célébrer l’Otan, bras armé de l’Occident, mais il ne suffit pas de rappeler que cette organisation est l’instrument des Etats-Unis qui commandent à des alliés soumis. Entre les Etats qui se bornent aux enjeux européens élargis au commerce international et les puissances qui ont par leur géographie un rang dans le monde – les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France – il y a une différence majeure. S’y ajoutent des attitudes divergentes dans le conflit en cours. La vertu rationalisante de l’atome interdit aux Etats-Unis de se poser en éradicateurs du Mal face à la Russie – tandis que la Pologne peut prendre des positions maximalistes pour promouvoir ses intérêts nationaux.

Cette complexité n’est pas surprenante mais elle doit nous préoccuper d’autant plus que la France est embarquée dans un jeu qu’elle ne maîtrise en rien. A cause de l’alignement atlantique qui prévaut depuis vingt ans. A cause du retour dans le commandement intégré de l’Otan. A cause du flou d’une politique étrangère décidée par un homme qui ne consulte pas le Quai d’Orsay, qui n’écoute même pas la cellule diplomatique de l’Elysée. Il y a des jours où Emmanuel Macron esquisse une démarche médiatrice. Il y a d’autres jours où il paraît s’aligner sur le discours dominant…

Nous ne savons pas ce qu’il convient de faire en vue de la paix. Pour le savoir, il faudrait écouter Joe Biden, Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky et les diplomates chinois… Mais, citoyens français, nous voudrions qu’il y ait un chef d’Etat, non une girouette. Nous voudrions un chef d’Etat qui renoue avec notre politique millénaire d’indépendance et qui parle aux Russes selon le rang de la France, forte de ses armes nucléaires et de son expérience diplomatique. Nous voudrions un chef d’Etat qui retrouve sa capacité d’initiative dans le domaine de la politique étrangère. Nous voudrions un chef d’Etat qui remette madame von der Leyen à sa place, en préalable à une remise en question de la Commission et des traités européens. Nous voudrions un chef d’Etat et un gouvernement capables de mobiliser l’économie nationale afin que la France soit en mesure de faire face à tous les périls qui nous menacent sur le continent et sur la planète – qu’il s’agisse des agressions militaires, du réchauffement climatique, des puissances mafieuses…

Quand cesserons-nous de subir les événements que nous pourrions orienter ?

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Editorial du numéro 1251 de « Royaliste » – 26 février 2023

 

 

 

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2 Commentaires

  1. Cording1

    Contrairement à ce que vous affirmez par votre première phrase il est possible d’en savoir un peu plus sur les opérations militaires et les manoeuvres diplomatiques passées par rapport à que ce que les médias en disent. Il suffit de chercher, de se donner ma peine, par exemple la déclaration de l’ex-premier ministre israélien Neftali Bennet fut un intermédiaire lors de tentatives de négociations de paix entre Russes et Ukrainiens en mars et avril 2022 proches d’aboutir mais furent sabotées par l’intervention notamment de Boris Johnson menaçant de ne plus fournir l’Ukraine en armes. C’est Neftali Bennet lui-même qui l’a évoqué il y a peu.

  2. Catoneo

    Comment peut-on rappeler que « l’Otan, bras armé de l’Occident, est l’instrument des Etats-Unis qui commandent à des alliés soumis », si d’une part l’Occident n’existe pas, et si d’autre part, la preuve fut faite que les alliés ne sont pas soumis aux Américains. La réponse des pays principaux de l’OTAN à l’injonction américaine de 2003 contre l’Irak de Saddam Hussein enterre, et pour longtemps, la thèse de la subordination.