Les parlementaires ont adopté sans le voter un budget que la plupart trouvent mauvais. S’ouvre une nouvelle période de manœuvres en vue des municipales et de la présidentielle. Les perspectives sont strictement politiciennes, alors qu’une large majorité de citoyens subit les violences de l’époque.
La production industrielle française est en recul de 1,2% au quatrième trimestre de 2025 et il s’avère qu’elle est de 8% inférieur à son niveau de 2020. L’an passé, 136 sites industriels ont fermé et notre pays a perdu 19 usines. Le déficit commercial atteint 81%. Le taux de chômage, en hausse, s’établissait à 7,3% en décembre. La pauvreté, en constante augmentation, touche plus de 5 millions de personnes. En 2025, le faible taux de croissance chuterait légèrement sans que la France entre en récession.
Tels sont les chiffres officiels qui soulignent l’échec de la gouvernance Macron. Ils auraient dû conduire à l’établissement d’un tout autre budget mais nous savons qu’un gouvernement sans majorité ni projet n’avait d’autre choix que de bricoler au fond des impasses que nous avons décrites. Pour compenser les effets destructeurs de l’euro, du libre-échange et de la compétitivité par le moins-disant social, il faut soutenir financièrement les entreprises et diffuser massivement des aides sociales. Il restait à négocier, sous les assauts contradictoires des groupes de pression, les mesures permettant à divers groupes parlementaires de sauver les apparences. Une surtaxe sur les grandes entreprises mais limitée à un an. Une ponction sur les rachats d’actions. Une taxe sur les hauts revenus. Un “chèque énergie” envoyé automatiquement. Une baisse des crédits consacrés à l’aide médicale d’Etat…
Tout le monde a joué son jeu. Le patronat a crié qu’on égorgeait les patrons. La France insoumise a dit des méchancetés sur les milliardaires. Le Parti socialiste a menacé de voter la censure et le Rassemblement national a fait entendre des grondements. On a même vu le ministre de l’Intérieur rejoindre une manifestation de policiers devant l’Assemblée nationale – donc protester à la fois contre la représentation nationale et contre le gouvernement dont il fait partie – sans que cette attitude provoque la moindre réaction. En d’autres temps, M. Retailleau aurait été congédié dans l’heure.
Finalement, le budget a été adopté par l’effet de l’article 49.3 et les socialistes comme les lepénistes n’ont pas voté la censure. Pas envie de retrouver un autre Bayrou. Pas envie d’exaspérer des électeurs lassés des joutes parlementaires et désireux de voir le pays disposer d’un budget, bon ou mauvais. Il fallait donc en finir et ficeler le paquet budgétaire, quitte à revenir très vite sur les mesures prises – par exemple au détriment des auto-entrepreneurs. On a voté par précaution, par résignation, par fatalisme, par respect des convenances – jamais par conviction.
Dans les états-majors, on a surtout fait voter en fonction des élections municipales. On n’a pas calculé ce qu’un budget d’austérité pouvait faire perdre en points de croissance mais ce qu’un vote pouvait impliquer à Rennes, à Lyon, à Montpellier… Les écologistes et les communistes ont choisi la prudence en votant la censure avec la France insoumise et les socialistes ont pris le risque d’une vengeance mélenchonienne aux municipales, tout en ménageant la possibilité d’une relance de l’unité d’action au sein du Nouveau Front populaire.
La petite audace des socialistes vient de l’affaiblissement des Insoumis. Même si l’on se méfie des sondages, la constance de leurs résultats sur une longue période permet d’affirmer que Jean-Luc Mélenchon et son état-major se sont rendus insupportables. Preuve en sont les défaites subies par les candidats de La France insoumise aux élections législatives partielles dans les Ardennes et en Isère puis, le 2 février, aux élections municipales à Villeneuve-Saint-Georges.
Ces signaux faibles d’un possible déclin sont amplifiés par les attitudes et les déclarations de la direction insoumise. Quand on efface la défaite de Louis Boyard à Villeneuve-Saint-Georges en affirmant qu’il s’agit d’un “test en partie réussi” marqué par une “progression spectaculaire” du nombre de voix, on est dans un déni typique des groupuscules – comme si la direction mélenchonienne anticipait son avenir. Quand Jean-Luc Mélenchon célèbre la “nouvelle France” rurale qui serait celle des quartiers populaires en opposition à la vieille France des campagnes devenue fasciste puisqu’elle vote Le Pen, on ne se trouve pas seulement confronté à une sociologie politique délirante mais à un discours de guerre civile sur fond de clivage ethnique et de foutage de gueule. Comment oser dire “ceux qui comme moi sont nés au Maghreb” quand on est le fils, né à Tanger, de deux fonctionnaires pieds-noirs donc colonialistes blancs, intrinsèquement racistes, selon les critères de La France insoumise ? Comment dire aux immigrés et enfants d’immigrés : “cette partie du pays est à nous” comme s’il devait y avoir une partition de la nation ? Si la “révolution citoyenne”, c’est cela, si c’est ce programme qui est proclamé lors de la prochaine présidentielle, M. Mélenchon pourra numéroter ses abattis.
Résumons. Tandis que François Bayrou rêve qu’il a vaincu l’adversité, tandis qu’Olivier Faure se raconte qu’il est un socialiste émancipé, tandis que Bruno Retailleau s’imagine en candidat à la présidence après avoir terrassé Laurent Wauquiez, tandis que Marine Tondelier enfile sa veste verte pour faire sa millième déclaration à la presse, tandis que Jean-Luc Mélenchon s’apprête à monter dans son train blindé pour canonner les campagnards factieux, Donald Trump lance son programme mercantiliste, les négociations russo-américaines sont engagées sur l’Ukraine, le capitalisme poursuit sa mutation et l’Union européenne travaille à l’extension de sa bureaucratie parasitaire. A Paris seulement, le temps a suspendu son vol.
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Article publié dans le numéro 1294 de « Royaliste » – 4 février 2025
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