Signe de débâcle psychique et politique : François Hollande et ses amis n’est finissent pas de se plaindre de la dureté des temps. Ils sont victimes de trahisons !  Il y a captation d’héritage ! Nicolas Sarkozy utilise la ruse !

Les agneaux menacés d’être trucidés demande qu’on les prenne en pitié. Ils oublient leur arrogance des soirs de victoire, leur sectarisme quand ils étaient au pouvoir, leur rejet mécanique de ceux qui, au-delà des frontières de la gauche, avaient concrétisé l’idée de rassemblement. Lionel Jospin, par ses froides humiliations, François Hollande, par ses hypocrisies aimables, trahissaient jour après jour François Mitterrand et pratiquaient avec un parfait cynisme le détournement et la confiscation du capital électoral. Tout ça pour renier peu à peu, à partir de 1983, leurs propres principes – ceux du socialisme français…

Toutes tendances confondues, les chefs socialistes rétorqueront que ce n’est pas notre affaire : nous ne sommes pas socialistes, ni de gauche. C’est vrai. Mais il se trouve que leur socialisme n’était qu’un aspect, partiel, du projet politique mis en œuvre à la Libération par le général de Gaulle et toutes les forces de la Résistance. En reniant leur socialisme, ils ont activement collaboré – surtout le gouvernement Jospin – à la liquidation de la politique économique et sociale conforme à la doctrine française, traditionnelle et progressiste comme nous l’avons souvent montré.

En conséquence pas la moindre pitié : les chefs socialistes sont responsables de leur défaite le 6 mai et de la déroute à venir qu’ils préparent activement. Mais nous sommes en droit de réfléchir sur ces désastres, car l’avenir du socialisme importe à tous les Français. A cet égard, trois remarques :

– L’entrée de Bernard Kouchner au gouvernement n’est pas une trahison mais un simple transfert : il passe de l’aile gauche de l’oligarchie à l’aile droite. Ce faisant, il ne rompt ni avec la haute idée qu’il a de lui-même, ni avec son confort, ni avec les gens de sa caste ni avec ses convictions – celle d’un homme ennemi du politique en tant que tel. Cette anecdote devrait inciter les socialistes à une première méditation, sociologique : leurs chefs ne seront pas pris au sérieux tant qu’ils n’auront pas rompu avec l’oligarchie dans toutes ses composantes : aristocratie financière, potentats médiatiques, intellocrates, sondeurs et autres gloires du Tout-Paris. On ne peut prétendre parler au nom du peuple de gauche si on reste dans ce milieu.

– Le deuxième sujet de méditation est politique : croire que la France est « passée à droite » et qu’il faut aller toujours plus loin dans le libéralisme économique et social est une erreur colossale. Face à une candidate qui a déçu son électorat potentiel par ses errements stratégiques et tactiques, Nicolas Sarkozy a gagné grâce à des propos patriotiques et travaillistes. Les exigences relatives à la liberté de la nation et à la justice sociale demeurent, aussi fortes qu’en mai 2005 et au printemps 2006, dans l’électorat de gauche. Désormais privé du Parti communiste, qui exprimait le patriotisme populaire, protestataire et justicialiste, peu séduit par une extrême gauche qui est hostile à l’Etat et à la nation, cet électorat ne saurait être abandonné au fil d’opérations de recentrage sans risques graves pour l’équilibre politique de la nation : il faut des socialistes à gauche et des libéraux à droite, sinon le peuple de gauche votera pour des apparences « bonapartistes » afin de ne pas rester dans la pure négativité, ou au contraire entrera dans une logique extrémiste, électorale ou non.

D’où le troisième sujet de méditation, idéologique : le Parti socialiste doit présenter aux Français une doctrine et un programme clairement situés dans la tradition du socialisme français. Planification souple, nationalisation des secteurs-clés, politique des revenus favorable aux petits et moyens salariés : tels sont les principes que les socialistes doivent traduire en actes politiques, en fonction des évolutions en cours – rôle décisif des Etats dans la vie nationale et internationale, échec des recettes ultralibérales…

Une ouverture à d’autres traditions de pensée leur serait utile, mais c’est sans doute trop leur demander.

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Editorial du numéro 905 de « Royaliste » – 28 mai 2007

 

 

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