Surnommé “l’Étrangleur ottoman” par François Mitterrand, Edouard Balladur avait un fils caché – Éric Ciotti pour ne pas le nommer. L’homme qui tente de garrotter la macronie ne voit pas qu’il est lui-même subclaquant. Devant ces joutes grotesques, Marine Le Pen cache sa joie.    

Pénétrons avec prudence dans l’univers parallèle des groupes qui forment l’aile droite de l’oligarchie. On sait que les macroniens de Renaissance, le clan d’Edouard Philippe (ça s’appelle Horizons), le Modem de François Bayrou et Les Républicains partagent le même projet néolibéral. Tous, lorsqu’ils gouvernent, le mettent en œuvre de la même manière sous l’égide de Bruxelles.

Bien entendu, il y a des variantes douces et d’autres plus dures, surtout dans les discours de ceux qui ne sont pas aux affaires. Par exemple, Éric Ciotti voudrait aller “beaucoup plus loin” dans la baisse des allocations chômage sous prétexte de favoriser le retour à l’emploi. Mais la variante anti-sociale n’assure pas la rente électorale qui pourrait permettre à LR de persévérer dans son être.

L’effort en ce domaine vital, que Spinoza appelle conatus – du verbe conari, entreprendre – exige la réinjection d’une dose de passionnel dans le programme. C’est bien sûr la “lutte contre l’immigration” qui est invoquée par ceux qui, au temps de Nicolas Sarkozy, avaient juré de “nettoyer les banlieues au karcher”. Cette “lutte” a le double avantage de refaire l’unité du parti qui avait éclaté lors du débat sur les retraites et de prendre à la gorge Macron et sa macronie.

Tout occupé qu’il est à poser ses lacets et cordons de soie, l’Étrangleur ottoman oublie qu’il peut être comparé au célèbre chat de Schrödinger qui reste dans un état quantique superposé de mort et de non-mort, tant qu’on n’a pas ouvert la boîte dans laquelle l’animal est fictivement enfermé.

Monsieur Ciotti de Schrödinger sait-il lui-même s’il étrangle pour survivre ou s’il cherche le suicide collectif ? La question hante les jours et les nuits des archontes de la macronie. Leur propre conatus est en piteux état depuis qu’ils ont constaté qu’à l’encontre de toute logique, ils ne pouvaient pas former une coalition avec Les Républicains. C’est pourquoi, un beau matin de juin, sous l’égide de Stéphane Séjourné, le très charismatique secrétaire général de Renaissance, une trentaine de parlementaires se sont interrogés sur la tactique à adopter. Deux heures de palabres ont accouché d’une souris aussi paradoxale que le chat de Schrödinger : “pour éviter l’immobilisme”, il s’agirait de “continuer de tendre la main aux LR, comme à la gauche modérée” selon les propres mots de Stéphane Séjourné. En d’autres termes, Renaissance va éviter de bouger pour ne pas tomber dans l’immobilisme en appelant la droite et la gauche oligarchiques à la “co-construction” plutôt qu’à un contrat de gouvernement dont LR ne veut pas. Cette “co-construction” imaginée par une formation en voie en démolition va s’opérer sous le regard vigilant de François Bayrou : “Si on choisissait de décentrer la majorité pour la tirer d’un côté ou de l’autre, il y aurait de grands risques de perte de cohérence” a déclaré le gardien du temple centriste.

Tout cela signifie que la macronie va “valoriser les compromis parlementaires qui existent” comme dit Aurore Bergé – donc continuer d’agir au coup par coup en évitant que le “parti du dépassement” devienne “le parti des dépassés” selon le mot d’un député. Il aurait même pu parler du parti des trépassés – à la mode Schrödinger bien entendu. Tout le monde a compris que le parti macronien ne survivra pas au départ de son fondateur et qu’il sortirait essoré d’une dissolution que le président du Sénat annonce, en privé, pour la rentrée. Ce qui aiguise les appétits d’Edouard Philippe, qui voudrait créer un grand bloc oligarchique de droite et qui prépare le terrain avec des petites phrases sur l’immigration et l’islam. Tout occupé à muscler le conatus d’Horizons, Edouard Philippe oublie qu’il fut Premier ministre et qu’il avait alors toute possibilité de briller dans la résolution des problèmes qui, aujourd’hui, font mine de l’inquiéter.

Observant ces manœuvres, Marine Le Pen s’efforce de cacher sa joie. Les fissures et les failles du bloc oligarchique annoncent son effondrement et le Rassemblement national ramassera les morceaux pour devenir, au nez et à la barbe d’Edouard Philippe, le nouveau parti de la droite française, à vocation hégémonique. Les émeutes qui ont éclaté le 28 juin vont conforter le Rassemblement national en parti de l’ordre, face aux désastres provoqués par les gouvernances oligarchiques de droite et de gauche.

La partie serait jouée si LR n’avait pas réuni les “Etats-généraux de la droite” au cirque Bouglione le 17 juin. Un puissant mouvement de réflexion est annoncé mais on a surtout observé l’absence de Laurent Wauquiez, que l’Étrangleur ottoman veut pousser à la présidentielle pour devenir grand vizir. Là encore, il y a un effet Schrödinger : nul ne sait si l’homme qui respire la sincérité mais qui retient longuement son souffle est mort ou non-mort – alors que Xavier Bertrand, sempiternel candidat à la candidature, était bel et bien présent. Lancera-t-il l’appel de Bouglione ? Telle est la question qui va nous tarauder tout l’été.

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Article publié dans le numéro 1260 de « Royaliste » – 2 juillet 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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