Le président de la République a pris ses fonctions avec toute la dignité que nous attendions de lui. C’est bien. Un Premier ministre a été désigné, qui a formé son gouvernement. C’est dans l’ordre des choses. Il n’y a pas lieu de crier son enthousiasme. Nous sommes toujours dans l’attente puisque le gouvernement ne pourra agir qu’après les élections législatives.
Pour le moment, Jean-Marc Ayrault va avoir pour principal souci de gagner la bataille électorale, en rassemblant son camp. Il y sera aidé par la remarquable synthèse que constitue son gouvernement. Toutes les tendances de la gauche modérée y sont représentées : d’anciens partisans du Non au référendum de 2005 pour faire plaisir à des gens tels que nous ; des européistes affirmés, comme Pierre Moscovici ; des écologistes et Arnaud Montebourg. Ce serait séduisant si nous étions dans une période paisible car nous pourrions nous dire que les ministres qui viennent de prendre leur fonction peuvent échapper à leurs anciennes inclinations et trouver dans la solidarité ministérielle de quoi pallier leurs éventuelles faiblesses de caractère. Mais un gouvernement de synthèse est trop mal assuré pour affronter la tempête économique et monétaire, qui gagne chaque jour en violence.
Il faut par conséquent appeler à la constitution d’un gouvernement de crise après le 17 juin. Cela suppose d’abord un effort de rigueur républicaine. Il faut renoncer à l’affichage démagogique de la « parité » et de la « diversité ». Un ministre remplit une fonction politique, et cette fonction n’a ni sexe, ni couleur de peau, ni particularité régionale. L’égalité des hommes et des femmes, c’est avant tout la stricte égalité des salaires versés aux unes et aux autres. Elle n’est toujours pas réalisée pour des millions de femmes alors qu’on s’extasie sur la promotion de quelques dizaines de bourgeoises qui avaient déjà toute leur place dans les hautes sphères. La reconnaissance implicite de la « différence » ethnique n’est pas plus tolérable de la part d’un gouvernement qui ne doit connaître que des citoyens.
Un gouvernement de crise, cela implique surtout qu’une ligne de conduite soit fermement tracée par le Premier ministre en accord avec le président de la République qui agit dans les domaines définis par la Constitution. François Hollande, qui doit se tenir à l’écart de la campagne électorale, est enmesure de prendre de la hauteur. Sa rencontre avec la chancelière allemande et sa participation au G8 étaient nécessaires (1) mais nous sommes toujours dans l’attente de grandes décisions. A Berlin, à Camp David, François Hollande a sacrifié à la religion du consensus. Cela pouvait être admis pour de premières prises de contact mais le président de la République doit se souvenir que les compromis utiles se concluent après la création d’un rapport de forces permettant de faire prévaloir nos intérêts nationaux.
Nous avons enregistré les propos aimables échangés avec la chancelière allemande et les bonnes intentions exprimées dans le communiqué final du G8. Nous les aurions salués avec joie si les chefs d’Etat et de gouvernement avaient expliqué comment on mène une politique de croissance tout en cherchant à rétablir l’équilibre budgétaire ; comment on résout la crise bancaire ; comment on sauve la Grèce et la zone euro en maintenant des mesures d’extrême rigueur qui accélèrent la désintégration de l’union monétaire.
Déjà, lors de précédents sommets, après maintes embrassades, on avait couché sur le papier des vœux qui étaient contradictoires, sans songer à remettre en cause le libre échange et sans chercher sérieusement à empêcher la spéculation financière. Nous voulons bien croire à de possibles miracles dans les deux ou trois semaines qui viennent mais il serait dangereux d’attendre plus longtemps. Ensuite, le président de la République devra se contraindre à engager l’épreuve de force avec l’Allemagne pour sauver la France de l’euro et indiquer à nos voisins le chemin d’une reconstruction de l’Europe continentale. Ce qui scandaliserait une chancellerie et les oligarques de tous pays serait accueilli par le peuple français et par les autres peuples européens avec un formidable sentiment de libération, propice à toutes les renaissances.
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(1) Nous reviendrons dans notre prochain numéro sur le sommet de l’OTAN
Editorial du numéro 2014 de « Royaliste » – 2012
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