Nous assistons à une convergence des démagogies, celle des gouvernances néolibérales, celle des partis populistes qui se retrouvent pour réduire la portée des mesures écologiques.

En mai dernier, Emmanuel Macron a appelé à une pause réglementaire. L’expression a été reprise par le Premier ministre belge puis par le Parti populaire européen, et bien d’autres dirigeants expriment leurs réticences à l’égard du Pacte vert établi par l’Union européenne. En Suède, en Espagne, en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas…, les partis populistes contestent en gros ou en détail les dispositions prises pour lutter contre le réchauffement climatique. La France ne fait pas exception : le Rassemblement national engrange tranquillement les voix des électeurs qui protestent contre les contraintes imposées par le gouvernement au nom de la transition énergétique et Laurent Wauquiez, qui entre en campagne pour l’élection présidentielle, s’oppose au dispositif de lutte contre la bétonisation des sols.

Il est trop facile de se rassurer en pariant sur un retour au consensus vert après les élections européennes. Des élections législatives ont lieu régulièrement dans les Etats membres de l’Union européenne et la classe politique française prépare activement la prochaine présidentielle, en raison de la logique pernicieuse du quinquennat. La droite et l’extrême droite exploitent un mécontentement populaire qui résulte d’abord des incohérences des politiques publiques. Nous assistons depuis des années à un déluge de mesures si bien présentées qu’on peine à établir une claire distinction entre l’effet d’annonce et les dispositions effectives, entre l’essentiel et l’accessoire. On taxe, on interdit, on subventionne dans le désordre tandis que la télévision nous donne à voir les inondations et les incendies qui, partout dans le monde, répandent l’idée d’une catastrophe inéluctable.

Bien entendu, les milieux dirigeants comptent sur la pédagogie pour calmer les mécontentements et les appréhensions – en oubliant que la trop fameuse “pédagogie des réformes” n’a jamais apaisé les victimes du néolibéralisme. Depuis quarante ans, une contre-pédagogie s’est développée grâce aux nombreux débats, publications et émissions qui ont permis de récuser le discours officiel aux termes duquel la catastrophe peut être évitée grâce aux efforts accomplis en commun. Ce message lénifiant est démenti par trois réalités confondues dans un même système.

La norme ultra-concurrentielle réveille tôt ou tard l’angoisse de la compétitivité qui est déterminante : les conséquences du réchauffement climatique et de la dégradation de la biodiversité se feront sentir peu à peu alors que les chiffres du commerce extérieur sont publiés chaque trimestre. Entre l’indispensable politique de long terme et la sanction immédiate de la tribune vengeresse, du sondage accablant et de la désertion des électeurs, le choix des dirigeants est vite fait.

Les groupes de pression industriels et financiers font, dans les Parlements nationaux, au Parlement européen et à la Commission, un travail quotidien de défense des intérêts privés qui est assorti de très agréables cadeaux, tant personnels que collectifs.

Les gouvernances nationales et les organes de l’Union européenne ont pour visée primordiale la défense du Capital, devant laquelle ploieront toujours les dispositifs écologiques – et tel est bien le sens de la pause réclamée par un nombre croissant de responsables politiques. Ils s’en trouvent délégitimés, puisque le propre d’un responsable est de répondre du long terme alors qu’il s’agit aujourd’hui de céder aux exigences du secteur privé.

Les partis verts auraient pu constituer une force d’opposition constructive mais ils ne font qu’ajouter au trouble des esprits en mêlant à leurs combats écologiques des thématiques ultra-féministes et wokistes qui suscitent des réactions dont la droite et l’extrême droite tirent parti. Et il y aurait aussi beaucoup à dire sur les campagnes – auxquelles participent certains “souverainistes” – visant à récuser toute forme d’autorité scientifique.

Cette situation chaotique favorise l’extrême droite, qui affirme défendre le pouvoir d’achat et les conditions de vie des classes populaires. Les excellentes relations nouées entre la présidente de la Commission européenne et Giorgia Meloni devraient faire réfléchir d’autant plus que la présidente du Conseil italien est le modèle de Marine Le Pen. L’extrême droite, qui gouverne dans divers pays avec la droite libérale, se soucie comme d’une guigne de l’écologie et du pouvoir d’achat. Elle veut le pouvoir ou du pouvoir pour en tirer profit et pour faire appliquer, autant que possible, son programme ethnique.

Le souci primordial de l’écologie implique une articulation rigoureuse des fins et des moyens, à l’opposé de toute démagogie et de tout compromis avec les intérêts privés. C’est sur un programme de planification impliquant la nationalisation des secteurs-clés, la souveraineté monétaire et la protection de l’activité économique qu’il est possible d’associer les citoyens à la transformation du monde commun. Nous ferons confiance à ceux qui défendront ce programme, dans sa pleine cohérence.

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Editorial du numéro 1263 de « Royaliste » – 9 octobre 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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