Les socialistes et le Mécanisme européen de stabilité

Mar 5, 2012 | Union européenne

 

Tétanisés par la perspective d’un retour à l’affrontement entre partisans et adversaires du prétendu « traité constitutionnel », les dirigeants socialistes ont choisi de s’abstenir sur le MES. La renégociation avec l’Allemagne est bien mal engagée.

Le MES ? Bon sang, mais c’est bien sûr le Mécanisme européen de stabilité qui doit succéder au Fonds européen de stabilité financière qui n’a manifestement pas rempli son rôle puisque la zone euro est dans un état d’instabilité qui se rapproche dangereusement du chaos. Le MES doit donc venir en aide (on ne dit plus « voler au secours » car l’envol de Merkel ressemble à celui de la poule de basse-cour) aux pays en crise financière.  A priori, c’est plutôt sympa comme initiative mais, comme toujours, le diable se cache dans les petits et les gros tuyaux de l’usine à gaz européenne.

Fins connaisseurs de cette tuyauterie, nos lecteurs ont remarqué que l’obsession de l’équilibre budgétaire s’est déjà traduite par une accumulation de textes disciplinaires : paquet de six mesures venant renforcer le Pacte de Stabilité et de Croissance, actes législatifs du Parlement européen, règlements de la Commission. Comme si ce paquet de dispositifs imbéciles ne suffisait pas, la Chancelière allemande a décidé de graver l’austérité dans deux nouveaux traités qui s’ajoutent au traité de Lisbonne :

  • Un traité intergouvernemental des membres de la zone euro et d’autres pays membres de l’Union européenne qui crée le Mécanisme européen de solidarité, soumis à la ratification du Parlement français ;
  • Un traité intergouvernemental  sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), qui sera signé en mars par les chefs d’Etat et de gouvernement et qui sera ensuite soumis à la ratification parlementaire. Ce traité prévoit la mise en place d’une nouvelle règle budgétaire par laquelle « les budgets des administrations publiques sont à l’équilibre ou en excédent », ce principe étant inscrit dans la constitution des Etats-membres, qui accepteront des mécanismes de correction automatique des déséquilibres et des sanctions. Tel est le système antidémocratique qui imposera aux Etats l’austérité perpétuelle.

François Hollande a annoncé qu’il renégocierait le TSCG s’il était élu. Il s’agit d’une renégociation a minima, portant sur une référence à la croissance nécessaire, mais Jean-Luc Mélenchon et plusieurs camarades du candidat socialiste, dont Marie-Noëlle Lienemann, ont cherché à sauver le principe même de cette négociation en démontrant qu’il fallait que les parlementaires socialistes votent contre la ratification du MES. Pourquoi ? D’abord parce qu’il n’y a pas urgence : le MES sera mis en place après la ratification du traité TSCG. Ensuite et surtout parce que les deux textes sont étroitement liés. Le préambule du traité instituant le MES dispose en effet que « le présent traité et le TSCG (3ème traité) sont complémentaires dans la promotion de pratiques budgétaires responsables et de la solidarité au sein de l’UEM. Il est reconnu et convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre  des nouveaux programmes sera conditionné, à partir du 1er Mars 2013, à la ratification du TSCG par l’Etat membre concerné et à l’expiration du délai de transposition aux exigences prévues ».

En clair : qui accepte le MES doit constitutionnaliser au préalable la « règle d’or » et se soumettre à l’ensemble des règles de discipline budgétaire. Qui accepte le MES accepte que le Parlement soit dépossédé de son droit le plus fondamental et que le gouvernement soit mis en tutelle.

Pour les sarkozystes le choix de la soumission était parfaitement cohérent avec l’abdication de leur chef devant la Chancelière. Pour les socialistes, il était logique que la renégociation commençait par le refus de ratifier le MES car il ne sera pas possible de remettre en discussion ce qu’on a déjà accepté.

Suivant les consignes, la plupart des députés socialistes – dont Arnaud Montebourg – se sont réfugiés dans l’abstention. C’est annoncer qu’ils sont prêts au compromis avec l’Allemagne,  alors qu’il faudrait lancer une attaque frontale sur la question de l’euro et dénoncer le caractère antidémocratique des traités rédigés à Berlin.

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Article publié dans le numéro 1008 de « Royaliste » – 5 mars 2012

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