Depuis la formation du gouvernement italien, c’est le thème à la mode dans les médias : pour échapper à la déroute, les socialistes doivent faire un gouvernement d’union nationale.
La semaine dernière, BFM TV en a fait des tonnes sur le sujet, à tel point qu’on aurait pu croire à une opération de propagande si l’on n’était pas absolument convaincu de l’absolue indépendance des principaux journalistes de la station. Preuve de l’objectivité : un sondage qui montre que 78% des Français seraient favorables à un gouvernement d’union entre la gauche et la droite avec des personnalités de la « société civile » – vieux concept utilisé par Michel Rocard et qu’on ne savait pas aussi présent dans l’esprit de nos concitoyens.
Comme le monde est vraiment bien fait, François Bayrou arrive en tête des personnalités désignées pour Matignon. D’où sa déclaration solennelle le 28 avril sur France 5 : « si la ligne choisie est celle à laquelle je crois, si les règles politiques sont celles que j’estime nécessaires, alors j’assumerai mes responsabilités et je l’ai toujours fait ».
Au risque de passer pour des trouble-fêtes, nous sommes bien obligés de remarquer qu’un gouvernement d’union nationale digne de ce nom réunirait des représentants de tous les partis politiques, du Front national au Front de gauche sur un programme d’urgence qui permettrait à la France de sortir de la crise. Ce qui propose BFM TV, ce qui fait rêver certains socialistes et les centristes, plus quelques militants de l’UMP fatigués par Copé-Fillon et écœurés par les scandales, c’est un gouvernement qui permettrait d’accélérer les « réformes » – car c’est ainsi qu’il nous serait vendu. Or nous savons que les réformes consistent à libéraliser l’économie et à détruire la protection sociale.
Il suffit pour s’en convaincre de lire le programme de François Bayrou pour l’élection présidentielle et de reprendre les déclarations de son conseiller Jean Peyrelevade. Le président du Modem voulait revenir à l’équilibre des finances publiques à la fin de 2015 – ce qui supposait un plan d’austérité aussi violent qu’irréaliste. Le plan Bayrou était de réduire le budget de 100 milliards par contraction des dépenses et augmentation des impôts – dont la TVA qui pèse sur les catégories modestes. Bien sûr, il y avait un couplet sur la nécessité de produire en France – François Hollande et Nicolas Sarkozy ont fait les mêmes promesses – mais François Bayrou n’a pas expliqué comment on pouvait réaliser le redressement industriel avec le libre échange et l’euro fort.
Quant à Jean Peyrelevade, banquier d’affaires, il s’est déclaré partisan de la rigueur budgétaire, d’une « politique de l’offre » sans se soucier de la demande des ménages qu’il veut au contraire restreindre par la « modération salariale » – autrement dit par la baisse des salaires… qui a donné des résultats désastreux en Grèce, en Espagne et au Portugal. L’an dernier, le conseiller de François Bayrou déclarait : « Le but [est] que, dans les périodes difficiles, il puisse y avoir une réduction de la durée du travail accompagnée d’une baisse de salaires et d’une garantie sur le maintien de l’emploi, comme en Allemagne » (1). Eh, oui, comme en Allemagne, le pays aux salaires à 400 euros !
Comme le Parti socialiste est largement acquis à ce point de vue, comme certains élus de droite sont très l’aise avec la gauche qui a voté le Pacte budgétaire, on comprend tout de suite que le prétendu gouvernement d’union nationale réaliserait l’unité des différentes tendances de l’oligarchie sur un programme très simple : sauver l’euro, maintenir l’Union européenne telle qu’elle est, obéir à la Commission européenne et coller étroitement à la ligne fixée à Berlin en faisant les « réformes structurelles » que la Chancelière exige. Nous serions donc dirigés par une Troïka nationale dont la cote de popularité rejoindrait vite celle de François Hollande.
Si ce dernier veut faire cette folie, qu’il la fasse jusqu’au bout en nommant Pascal Lamy à Matignon. On pourrait appeler cela « le choc de clarification ». On verrait alors les rues se dépaver toutes seules. Cela ferait gagner du temps.
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(1) Le Point du 17 janvier 2012
Article publié dans le numéro 1035 de « Royaliste » – 13 mai 2013
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