Moraliser le capitalisme ?

Avr 6, 2009 | Economie politique

 

Primes, stock-options et tutti quanti : qu’ils réussissent ou qu’ils échouent, les plus importants parmi les dirigeants d’entreprise quittent le bâtiment avec des valises pleines de billets. Certains sont désignés à la vindicte publique et rendent le trop-perçu. D’autres parviennent à prendre discrètement le large tandis que Laurence Parisot affirme que le Medef n’a « pas les moyens, ni même le désir d’imposer quelque chose » en matière de rémunération des patrons qui licencient.

Beaucoup de citoyens n’ont pas le temps d’entrer dans le détail de ces modes de rémunérations opaques : ils ont vite fait de conclure que les banquiers sont des voleurs et les patrons des voyous.

Nicolas Sarkozy a senti le danger. Depuis des mois, il dénonce lui-même les « patrons-voyous » et répète qu’il faut «  moraliser le capitalisme ». Jusqu’à présent, ces déclarations n’ont pas été suivies d’actes législatifs mais elles ont eu une conséquence majeure : la justification de l’anticapitalisme.

Depuis une trentaine d’année, la dénonciation du capitalisme ne se faisait plus guère entendre : de manière plus précise, le débat et le combat portaient sur la globalisation, le marché, la concurrence, l’ultralibéralisme. Président de droite, aimant le luxe et la compagnie des riches, Nicolas Sarkozy est beaucoup plus convaincant qu’un socialiste ou un communiste lorsqu’il nous dit que le capitalisme marche sur la tête. Lui qui fréquente des banquiers et de gros industriels parle certainement en pleine connaissance de cause ! Les électeurs de gauche sont confortés dans leur hostilité au régime et, à droite, les défenseurs du Capital sont déstabilisés. Méprisant les théories économiques, faiblement cultivé, Nicolas Sarkozy a opéré un formidable travail sur les concepts (le capitalisme) et sur les représentations sociales (le « patron » idéalisé dans les années quatre-vingt) qui devrait nous réjouir mais qui n’est pas sans dangers.

Nicolas Sarkozy ne s’est pas converti à l’anticapitalisme : il dénonce des excès individuels et quelques méfaits de l’ultralibéralisme pour sauver l’ensemble du système et préserver les profits de ses amis. Les dirigeants de la prétendue « famille occidentale » et leurs commis (Dominique Strauss-Kahn, Pascal Lamy) n’ont pas d’autre ambition : ils veulent sauver le système actuel par une meilleure « régulation » ; ils veulent calmer la colère populaire en punissant quelques gangsters en col blanc. Telle est la ruse grossière de l’oligarchie, qui a d’ores et déjà échoué dans notre pays. Nicolas Sarkozy tient un discours ambigu mais il est pris au mot : le capitalisme marche sur la tête ? A bas le Capital ! Il y a des patrons-voyous ? A bas les patrons ! C’est ainsi qu’on encourage la radicalité révolutionnaire sans issue et la violence contre des chefs d’entreprise qui font honnêtement leur métier et contre des employés de banque qui sont eux-mêmes exploités. Bien entend, les déclamations de Nicolas Sarkozy se retourneront aussi contre lui-même et la haine portée aux profiteurs réels ou supposés du système décuplera quand le minimalisme législatif deviendra manifeste.

Comment raison garder ? En prenant au sérieux la question de la moralisation du capitalisme. Si l’on veut atteindre cet objectif, il faut revenir aux principes fondamentaux de l’économie inspirés par l’exigence de justice, par le refus de l’exploitation de l’homme par l’homme et de l’épuisement des ressources naturelles.

Où trouve-t-on ces sages principes ? Dans les ouvrages qui expliquent l’économie chabbatique et le christianisme social ; dans ceux qui, sans référence théologique, procèdent à la critique de l’économie politique moderne (1).

Mais concrètement, que peuvent-ils nous apporter ? Un bouleversement des conceptions économiques et sociales dominantes qui justifieront le recours à des dispositions politiques destinées à maîtriser et à réorienter nos complexes machineries : protection économique, nationalisation des secteurs-clés, hausse massive des salaires.

Tels sont les trois premiers critères qui nous permettent de juger du sérieux des décisions qui seront prise à Paris et au sommet de Londres.

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Editorial du numéro 945 de « Royaliste » – 6 avril 2009

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