La République française est nôtre, non au sens de la possession, ce qui va presque sans dire, mais de l’appartenance et plus encore d’une adhésion que la Nouvelle Action royaliste vient de réaffirmer à l’issue de son 34ème Congrès.
Ce rappel est nécessaire : les professions de foi sur la République et sur la laïcité, qui devraient être apaisantes, sont trop souvent porteuses d’agressivité et d’exclusion – voire de récupération partisane puisque les dirigeants de l’UMP voudraient se présenter comme « Les Républicains ».
Ce rappel est justifié : dans la généalogie de la République (1), nous sommes les héritiers du courant le plus ancien. Il se reconnaît dans la définition aristotélicienne de la République comme visée de l’intérêt général par une autorité exercée selon la loi pour des hommes libres et égaux. Il prend forme au 16ème siècle avec le parti des politiques, lorsque la République s’affirme comme Etat souverain, légitime en ce qu’il est le protecteur de la liberté face au despotisme impérial. Il s’affirme avec les monarchiens lors de la rédaction de la Déclaration de 1789.
Avant comme après la Révolution française, dans l’ancienne société comme dans la modernité démocratique, la République n’est pas un type d’institution politique mais un corps de principes qui ordonne un système juridique : primauté de l’intérêt général, liberté, égalité, souveraineté du peuple, laïcité… La République peut donc accueillir divers régimes politiques : la monarchie royale, la monarchie élective, le régime parlementaire s’inscrivent tous dans la « forme républicaine du gouvernement »… dont le projet de loi sur le Renseignement prétend renforcer la protection.
Nous sommes aussi partie prenante dans la genèse de la laïcité (2). Elle naît de l’enfer des guerres de religion, lorsque les « Politiques » – Jean Bodin, Michel de Montaigne et Michel de l’Hospital… – entreprennent de restaurer la paix et la simple humanité par la tolérance sous l’autorité de l’Etat assez impartial pour garantir de la liberté de conscience. Cela signifie que « la République n’est pas dans l’Eglise, mais au contraire l’Eglise est dans la République » comme l’écrit Pierre de Belloy en 1585.
Il faudra beaucoup de temps, et de conflits, pour que cette maxime devienne un principe juridique fondamental : celui de l’inclusion qui est le premier principe de notre République laïque (3) : toutes les religions coexistent dans la France laïque qui accepte que des autorités religieuses puissent récuser le principe de laïcité de même que la République accepte les mouvements antidémocratiques et antirépublicains – si ces autorités ou mouvements ne menacent pas la paix civile. Notre laïcité républicaine se définit ensuite par un principe juridique : liberté publique de conscience pour tous les citoyens. Elle se définit enfin par un principe politique : « la pacification des esprits par le droit » (3).
Je n’oublie pas la laïcité militante, qui s’est traduite à partir des Lumières par un combat contre les religions, aujourd’hui récupéré par le Front national dans ses diatribes antimusulmanes. Mais ce laïcisme très répandu est contraire à la laïcité qui est une conjonction d’histoire (nos régions concordataires), de droit (la protection de toutes les religions) et de politique au sens de la médiation apaisante et des aménagements concrets – par exemple à l’école. Il faut préciser que le principe de laïcité s’applique à l’Etat, aux agents publics et aux conditions de l’exercice public du culte. Les tenues vestimentaires et les manifestations de rue ne sont pas à apprécier du point de vue de la laïcité mais de l’ordre public.
Le rappel des principes républicains vaudrait mieux que tous les discours moralisateurs. L’enseignement de la généalogie républicaine dans l’histoire de la France et de l’Europe apporterait plus d’apaisement que tous les plans de lutte contre l’intolérance. Mais c’est trop demander à l’oligarchie qui veut que l’école fabrique des sujets employables, guéris de leurs blessures identitaires supposées et tenus au respect des prétendues contraintes économiques et financières.
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(1) Cf. Blandine Kriegel, Philosophie de la République, Plon, 1998.
(2) Cf. « La genèse de la laïcité », in Blandine Kriegel, La politique de la raison, Payot, 1994.
(3) Emile Poulat, Notre laïcité, ou les religions dans l’espace public, DDB, 2014, chef d’œuvre de précision et de concision, à apprendre par cœur !
Cet article illustre le paradoxe apparent de la NAR comme rassemblement républicain.
L’appartenance et la possession ne me semblent pas contradictoires pour les citoyens qui devraient retrouver la noble idée de la communauté des chrétiens dans une communauté des républicains. Cette communauté ne devrait plus craindre de professer ses croyances et l’enseignement de ses grandes figures historiques. Les partis politiques ne seraient plus qu’un moyen, non une fin qui divise.
Chanter la Marseillaise est retrouver l’ exemple vivant des sacrifices passés.
Je ne connais qu’une laïcité, celle qui permet la profession de sa religion sans connaître la domination d’autres religions. Celle qui lutte inlassablement contre les cléricalismes qui veulent imposer des règles politiques au nom de la religion.
Un courant idéologique pervers prétend qu’un islamisme apostolique agressif est porté par le combat contre le cléricalisme chrétien. Clairement, une religion serait la meilleure défense contre une autre religion. Cela est stupide mais cela est répété.