François Bayrou grimpe dans les sondages. Nous n’avons aucune confiance dans ces constructions artificielles qui ne valent que par leurs effets sur la réputation des dirigeants politiques.
Au vu des sondages, donc, François Bayrou est le « troisième homme » à la mode. Ces engouements médiatiques nous laissent de marbre. Nous sommes par ailleurs étrangers aux contre-attaques montées par le Parti socialiste et l’UMP. Et nous n’avons pas de comptes à régler avec le personnage. Nous en parlons parce que c’est l’actualité. Une fraction de l’opinion estime que le président de l’UDF permet d’échapper à la bataille entre la droite et la gauche : c’est une éventualité à laquelle le candidat s’est préparé avec méthode. Les faiblesses de Ségolène Royal et les excès de Nicolas Sarkozy sont exploités avec habileté par un homme qui est crédité, de surcroît, d’un paisible courage. Et alors ?
Ces qualités et ces avantages sont secondaires. François Bayrou a le courage de son ambition. Ce n’est pas le cas de tous les responsables politiques – n’est-ce pas, Laurent Fabius ? – mais c’est peu. Le courage n’est pas une vertu : il n’a de valeur que par la cause servie. La finesse tactique est à apprécier selon la stratégie. L’image médiatique et les mots placés dans les discours comptent pour rien dans l’appréciation du candidat : il doit être examiné selon sa pensée, sa position et son programme politiques.
Quant à l’idéologie implicite, François Bayrou n’a pas changé : il se situe dans le courant du démocratisme chrétien (1) qui a exercé une forte influence sur le « social-libéralisme » de droite et de gauche et qui a donné au fédéralisme européen l’essentiel de sa doctrine. Il est normal que le candidat trouve ses références chez Romano Prodi, l’autre visage de la catastrophe italienne, et chez Jacques Delors responsable, entre autres méfaits, du tournant néo-libéral de 1983.
Il y a deux ans, l’ancien ministre de François Mitterrand se vantait devant plusieurs centaines de personnes d’avoir fait cette année là le « grand nettoyage » – c’est-à-dire le contraire de ce qu’une majorité de Français avait voulu en portant la gauche au pouvoir. Preuve que le démocratisme chrétien n’est pas nécessairement démocratique ; preuve que l’ultralibéralisme est incompatible avec la démocratie ; preuve que l’économie de marché, même quand on la répute « sociale », est le contraire du socialisme entendu comme système de protection des travailleurs et juste répartition du revenu national.
Quant à son positionnement politique, François Bayrou est resté là encore fidèle à lui-même : ce centriste se présente comme un recours qui fera l’union nationale avec des ministres de droite et de gauche. Mensonge ! L’union nationale se réalise avec des gaullistes, des communistes, des patriotes de gauche et de droite ou elle n’est rien – rien d’autre qu’une « gouvernance » centriste de l’oligarchie, avec une aile droite « libérale-libérale » et une aile gauche « social-libérale ». La sainte alliance, de Martine Aubry à Gilles de Robien. Quelle grandiose perspective, pour la France !
Le programme de François Bayrou est à la mesure de ce réaménagement dérisoire d’un système de domination inchangé. Doctrine imbécile de l’équilibre budgétaire, dont les effets destructeurs sur l’économie sont avérés. Plan inepte d’extinction de la dette publique, par réduction des niches fiscales (ce qui lui sera refusé par ses groupes de soutien) et par une « modernisation de l’Etat » en forme de destruction – alors qu’on peut régler la question de l’endettement par l’inflation, dont le caractère néfaste n’a jamais été démontré. Promesse démagogique, banale et inopérante, de la réduction des charges pour préserver l’emploi. Défense et promotion de la Banque centrale européenne et annonce un nouveau référendum sur un traité européen qui reprendrait des dispositions rejetées en 2005.
Faux naïf qui a fait toute sa carrière dans le sérail, le fils spirituel de Jacques Delors est le candidat idéal de la Commission européenne. Nous le récusons aussi nettement que les autres oligarques.
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(1) Le démocratisme chrétien n’est qu’un aspect de la tradition démocrate-chrétienne qui contient également des courants gaulliste et royaliste.
Editorial du numéro 899 de « Royaliste » – 5 mars 2007
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